Domina

Mercredi 25 mai 3 25 /05 /Mai 17:57


Le marché, place de l'empereur Caspien, à l'heure où le soleil commence à décliner, après la sieste. Elle marche entre les étals, vêtue de sa stola couleur prune, un simple voile sur ses cheveux tressés et enroulés en un chignon épais. Elle n'est pas seule, bien sûr, avec elle, deux gardes et une femme, qui porte un panier immense déjà bien plein de victuailles, ainsi qu'une oie dodue, pendue à une cordelette.

Soudain, un sifflement, suivi d'un coup, qui la fait sursauter. Là, devant, au centre de la place, un homme est attaché de face, à un poteau, son dos zébré de traces sanglantes, et un autre le fouette, avec un nerf de boeuf. Elle est allée assez souvent au cirque pour reconnaitre dans le tortionnaire l'entraineur d'une des plus grandes équipes de gladiateurs de la cité, Tellius. Un regard un peu plus appuyé à l'homme attaché, et elle reconnait Leonides, le Fils du Lion, un esclave égyptien, la coqueluche de ces dames, le héros des foules, le gladiateur le plus en vue de tout le cirque de Rome.

Tellius, visiblement en rage, harangue la foule :

"Fils de lion, mon cul! Fils d'une chienne galeuse oui! On les élève, on les nourrit, on les bichonne, on les traite mieux que ses enfants et ça vous trahit à la première occasion! Tiens, prends ça, espèce de lavette! Fils de porc!"

Le bras se lève à nouveau et frappe encore, mais le gladiateur enchainé ne bronche qu'à peine, il faut dire que Tellius l'a déjà bien assez entamé pour qu'il commence à perdre connaissance. Il dodeline de la tête, la relève, un bref instant, et croise du regard la Domina. Il la fixe, elle ne sait pas trop s'il la voit vraiment, mais il la fixe...

Au coup suivant il ferme les yeux et sa tête bascule à nouveau. Elle renifle... Tripote la ceinture de sa stola... Lance un ordre bref et fonce vers Tellius, toutes voiles dehors.

"Qu'a-t-il donc fait pour que tu lui arraches la peau du dos en fines lanières, Tellius?"

"Ca te regarde, femme?"

Un des gardes tousse, et s'avance :

"On parle autrement à Emilia Domitia du clan des Gaius"

"Gaia? Vous êtes la Gaia? Celle qui nous a envoyé les paniers de fruits l'an dernier?"

"Oui, c'est moi. J'apprécie le spectacle d'un bon combat de temps à autres et quand j'aime je le fais savoir.Alors, tu réponds ou pas, Tellius? Explique moi la raison de ce...spectacle bien moins réjouissant."

"Ce fils de p...euh...De chienne... a refusé de tuer son adversaire hier! Quatre ans qu'il combat pour moi et d'un coup, voilà qu'il se met à avoir des remords comme une fillette? J'ai investi des sommes colossales pour le faire former à toutes les armes possibles, à le faire soigner, à lui donner tout ce qu'il désirait, et ce...ce... se permet de me faire faux bond? Il n'est plus bon à rien! Autant le crever moi-même, plutôt que de le laisser crever dans l'arène! Au moins ça me défoule!"

"Hum... Quatre ans, tu charries Tellius : je connais tes tarifs pour faire combattre tes hommes, tu as dû largement y gagner, en quatre ans."

"Mais Domina! Vous n'imaginez même pas ce que ça mange un gaillard comme ça, et puis il y a les soigneurs, les armes neuves à chaque combat, les entraineurs, les larbins pour lui servir de partenaire à l'entrainement, et les filles...les filles! Il a un appétit d'âne en rut, quand il s'agit des filles de Subure! Il m'a coûté une véritable fortune rien qu'en putains!"

Le garde tousse, et Tellius rougit, soudain conscient de s'être laissé emporter dans son élan, du moins question vocabulaire.

"Pardon Domina, mais ça me met hors de moi. Tout cet argent et ce temps gâchés, parce que môssieur se découvre une conscience..."

Elle mâchonne son voile, et observe l'homme affalé sur le poteau, il a sans doute perdu connaissance pour de bon...

"Vends le moi. Il sait combattre, j'ai toujours besoin de gardes pour mes biens."

 

Ils sont trois à tirer la tronche là : d'abord les deux gardes qui ne voient pas d'un bon oeil la concurrence, et Tellius, qui se récrie :

"Domina! C'est pas un homme comme il faut pour servir de garde à une dame comme vous! C'est un sauvage, une bête, un animal, un..."

"Eh bien nous l'attacherons dans le jardin avec une chaine et il fera peur aux curieux... au pire, on mettra un panneau pour avertir les passants : Cave Hominem! ca sera drôle. Et je suis sûre que s'il sait où est son intérêt, il ne fera pas l'imbécile... Il fera un garde parfaitement convenable. Et puis, c'est pas comme si ces deux là avaient fait l'école du savoir vivre hein?"

Elle hausse les épaules en regardant les deux hommes qui l'encadrent et cachent leur colère soigneusement.

"Mais Domina..."

"Tsst! Tellius, dis moi un prix qu'on en finisse! Je veux pouvoir crâner devant mes amies en leur présentant Leonides, le vrai, le seul et l'unique. Et il sera à moi!"

Tellius ricane. Oui, ça c'est une bonne raison pour une matrone romaine d'acquérir un gladiateur : en fiche plein la vue à ses copines. Il se frotte discrètement les mains et annonce un prix qui fait hoqueter la servante. La dame, elle ne cille même pas. Par contre son visage se tord en un sourire narquois :

"Tellius? Je ne paierais pas ce prix même s'il chiait des crottes en or incrustées d'émeraudes! Sois un peu raisonnable et cesse de te faire passer pour plus bête que tu n'es, ya des gens qui nous regardent là..."

"Domina! Il faut bien que je rentre dans mes frais! Je peux baisser le prix, mettons... 80 pour cent du total, mais pas moins! Sinon autant l'achever tout de suite, hein? Ca reviendrait au même."

"Au même? tu rigoles? Achève-le et tu ne gagneras pas un sesterce,  vends-le moi et au moins, tu ne repartiras pas les mains vides. La moitié, pas un sou de plus."

"La moitié, Domina! tu veux ma ruine! Je gagnerais plus à vendre ses restes comme bouffe pour les clodos! Les deux tiers!"

"La moitié j'ai dit. Mais je te promets d'envoyer un panier de fruits frais de mes vergers à la prochaine lune, pour tes hommes et toi."

"Bon... mais... Deux paniers alors! Et l'affaire est conclue."

"Deux, d'accord! Ca marche."

Tellius crache dans sa paume et la tend à la femme, longue habitude de commerçant, et avant qu'il ne réalise que le geste est déplacé, elle lui a déjà serré la main fermement, avant de faire signe aux gardes :

"Payez-le, et détacher moi ça de son poteau, là, il va sans doute falloir le trainer jusqu'à la maison."

Effectivement, il faut le traîner, et les deux gardes geignants et soufflant en portant l'immense carcasse, sous les regards curieux des badauds, témoignent combien l'homme est massif... Pas une once de gras, que du muscle, sous une peau couturée de cicatrices. En arrivant à la maison de Gaius, son auguste et bien heureusement souvent absent époux, la femme ordonne sèchement :

"Confiez le à Taïs, qu'elle le requinque. Il devra être sur pieds dans trois jours pour le banquet des Jeux de Céres... Quoi de plus adapté qu'un gladiateur pour fêter les Jeux du Cirque?"

"Bien maîtresse."

Les deux hommes ronchonnent et reprennent leur labeur, comme deux boeufs de trait, un bras chacun... La servante a filé dans les cuisines avec son panier, et déjà, Taïs arrive, échevelée, haletante :

"Emilia!!! Dis moi que ce que cette gourde raconte est faux! Tu n'as pas rapporté ce...pourceau puant dans ta maison, ma fille, n'est-ce-pas?"

"Ah si, je l'ai fait et même que tu vas me le guérir et me le remettre sur pieds! J'ai un merveilleux trophée à présenter à ces vautours de Julii, elles en resteront bouche bée! Je savoure d'avance leur air déconfit, elles qui espéraient sans doute crâner parce que leur père a pris des parts dans une équipe obscure de gladiateurs destinés à perdre... Moi j'en ai un, rien qu'à moi, un vrai! Et pas n'importe lequel, le premier à avoir passé une année sans défaites depuis des lustres! On n'a pas vu ça depuis le règne de César et Titus Pullo! Et ça date de ma grand-mère!"

La matrone tape des mains et s'affale dans un siège, alors que son ancienne nourrice et gouvernante se décompose...

"Emilia... un jour, ta folie te perdra, ma fille, qu'Isis te protège... Et ton mari que va-t-il dire de tout ça?

"Tu rigoles? il adore Leonides, il sera ravi de lui faire raconter ses histories d'arène des heures durant, crois-moi, je le connais ce sombre crétin, il n'y a pas mieux pour lui faire plaisir. Allons Taïs! Va donc voir mon nouveau jouet et fais moi le plaisir de me le requinquer au plus vite! Il a pris cher, il a la peau du dos en confiture... Tu crois que ça pourra guérir en si peu de temps? Sans doute pas... C'est dommage de le montrer le torse bandé comme un bébé emmailloté, ça gâche un peu, mais... l'histoire est bonne malgré tout, ça compense!"

La première à venir aux nouvelles, c'est bien entendu Marcella. On raconte que même l'empereur aurait un service de renseignements moins efficace et que parfois elle lui rapporterait des nouvelles croustillantes de ce qu'il se passe dans son propre palais. Bref, Marcella est sa meilleure amie, à elle, depuis l'enfance. Elles étaient voisines, et avaient toutes les deux étudié sous la houlette du même précepteur grec. Marcella vit à présent à quelques pas, sur les bords du Tibre, près de la via Flaminia, elle est mariée à un général qui lui aussi préfère de loin l'Afrique aux charmes de Rome.

"Marcella! Pourquoi est-ce que je ne suis pas étonnée de te voir? Tes sbires ont mis combien de temps pour te rapporter la nouvelle, hum? Moins d'une marque de clepsydre à ce que je vois."

"Alors c'est vrai? C'est bien Leonides que tu as acheté? Je n'y ai pas cru tout d'abord, puis je me suis dit que tu n'achèterais sans doute rien de moins prestigieux que celui-là, tant qu'à faire. tu l'as vraiment payé trois mille sesterces?"

"Trois mille? mais non, bien moins que ça! Décidément les rumeurs vont déjà bon train... C'est fâcheux, je voulais faire la surprise aux Julii à la Fête des Jeux du Cirque. Si toute la ville est au courant, c'est rapé."

"Mais tu rigoles! J'en ai parlé à personne, je suis une tombe. Ou tout du moins je ne révèle mes informations que si j'y gagne quelque chose! Crois-moi bien que même si je suis au courant, personne d'autre ne l'est. Il n'y a qu'une vague rumeur qui court, sans plus, qu'une femme de la haute aurait acheté un esclave en fuite pour le sauver de la mort. Je vais d'ailleurs faire en sorte qu'on soupçonne cette dinde de Percella, et tu seras tranquille jusqu'aux calendes grecques!"

"Ca me rassure. Je me fais une joie de voir ces gourdes de Julii se décomposer en voyant mon Lion du Désert en chair et en os!"

"Tu as fait l'achat du siècle, on raconte que ce type a une..."

Marcella fait un geste sans équivoque, après s'être assurée que personne ne laissait trainer d'oreilles indiscrètes. Enfin, personne d'important, les esclaves ça ne compte pas.

"Immense je te dis, et surtout, il paraitrait que même une fois qu'il a..."

Encore un geste, plus...explosif celui-là, pas loin d'évoquer l'éruption du Vésuve à Pompéi, l'année passée...

"Eh ben figure toi qu'elle reste droite! Celle de mon mari dégonfle comme une vessie de porc crevée, et la sienne, elle resterait droite comme une colonne de marbre, prête à servir encore!"

"Marcella! Arrête un peu! Ca n'est pas pour ça que j'ai acheté ce gladiateur, tu es incorrigible."

"Quand il te tronchera comme une catin de Subure tu chanteras une autre chanson ma vieille... Ca pourra pas te faire de mal après ta limace de mari, tiens. A ce propos, il va comment ton gouverneur de Cathage? Toujours aussi malade en mer? Tant mieux, comme ça il te fiche une Pax Romana!"

"Je n'ai pas l'intention de me faire...troncher comme tu dis, par qui que ce soit, encore moins par un esclave, mon mari va bien, il m'a envoyé ses cinq lignes mensuelles pour se plaindre de la chaleur et m'assurer qu'il attend avec impatience l'été de l'an prochain pour rentrer."

"Et le petit Octave? Comment va mon filleul chéri?"

"Octavius Gaius a rejoint l'académie Vinctus, il perfectionne ses compétences équestres et martiales, comme tout bon patricien. Mais il va revenir pour les fêtes, il doit être présent aux Floralies, pour rencontrer sa future compagne, Altina Percella Minor."

"Quoi? Tu vas lui faire épouser la fille de Percella? Ah, mais quelle horreur! Si seulement j'avais eu une fille et pas trois garçons, il serait devenu mon gendre et n'aurais pas eu besoin de se marier avec la fille de la pire volaille de tout Rome."

"Altina ne ressemble pas à sa mère, elle est gentille, et loin d'être bête. A croire que ça saute une génération à chaque fois, l'esprit, dans cette famille... Je devrais plus me poser de questions pour leur progéniture à venir..."

C'est Taïs qui les interrompt : elle porte un plateau de délicieuses dattes fourrées, qu'elle pose sur un guéridon de jonc tressé, de facture égyptienne, et annonce :

"Le...l'esclave est réveillé, Maitresse, et il s'en tirera, je pense, ses blessures sont impressionnantes mais loin d'être graves, c'est juste qu'on ne lui avait rien donné à manger depuis plusieurs jours. Il parait que les gladiateurs sont plus féroces le ventre vide. Celui-là semble surtout bien plus mal en point."

"Eh bien, ne reste pas là et nourris le! Qu'il reçoive tous les soins nécessaires pour être sur pied et alerte dans trois jours. Tu vois Marcella, ma vengeance envers les Julii est en marche! Elles vont être vertes de jalousie."

"Emilia, rappelle moi de ne jamais t'avoir pour ennemie. Autant je suis toujours au courant de tout, autant tu es bien plus vile que moi quand il s'agit d'intriguer."

 

Trois jours plus tard, les festivités des Jeux du Cirque dédiés à Céres, Déesse de l'agriculture et de la Nature, battent leur plein. Les édiles de la plèbe ont battu le rappel des habitants des quartiers populaires et leur ont octroyé comme ont dit si bien : du pain et des jeux. Enfin, surtout du vin, et des jeux,d 'ailleurs, pour être précis. Ces dames bien entendu ont fait une brève apparition au Cirque Maximus, sous bonne escorte, et juste pour une heure ou deux, il aurait été malséant d'en faire plus. Emilia ne se fait aucun souci pour sa "surprise", les sbires de Marcella ont effectué leur tâche de désinformation à merveille : tout le monde ne parle que de l'esclave en fuite que Percella a pris sous son aile, par amour dit-on, ou encore parce qu'il la fait chanter. Elle a eu beau nier, rien n'y fait, la rumeur est la plus forte. Elle est tellement décomposée la pauvre qu'elle ne s'est même pas montrée pour les Jeux, sans doute qu'elle se sent coupable, pas vrai? Les Julii fidèles à leurs habitudes, sont les premières à médire.

Emilia s'évente avec une branche de palme, évitant soigneusement les bouchées aux anchois proposées par les vendeurs à la sauvette, elle tient à l'équilibre de son estomac... Les combats semblent plus ennuyeux cette année... Sans doute parce qu'elle a hâte de faire éclater sa petite bombinette privée, ce soir. Elle tourne et retourne son projet dans sa tête comme on roule un bonbon dur sous sa langue pour en savourer le goût. Ah oui, les germains ont raison : la meilleure forme de plaisir est celle qui consiste à profiter du malheur des autres.

Enfin, il est temps de rentrer et de mettre la dernière main aux préparatifs de la fête : il faut veiller à ce que le buffet soit bien garni, que les lits du Sigma soient bien recouverts de coussins moelleux, puis se changer... Elle sait déjà comment elle va se faire coiffer, une tresse enroulée autour de sa tête, les cheveux frisés en dessous, et le tout orné de feuilles de fraisiers et de petits fruits en verre rouge. Mais que va-t-elle porter avec cela? Du blanc, c'est évident, on ne porte que du blanc pour la fête de Cérès. Mais la robe blanche bordée d'or? Ou celle rebrodée de perles nacrées? A voir...

En rentrant, elle a la surprise de voir le gladiateur assis sur le parapet du Compluvium, en train de prendre le soleil. Il se lève quand elle arrive et elle ne peut s'empêcher de lâcher un :

"Foutre de Jupiter, qu'il est grand!"

En fait, il la dépasse de près de deux têtes. Jamais elle n'avait réalisé sa taille, ne l'ayant toujours vu que de loin, et puis couché ou recroquevillé... Il est immense et lui cache le soleil de ses épaules aussi larges que la Porte d'Ostie. Taïs l'a drapé dans un pagne immaculé, ses pieds sont pris dans des cothurnes de cuir épais sans doute faites sur mesure, personne ne chaussant aussi grand dans la maison. Et, détail qui aurait pu paraître incongru ou laid, mais qui en fin de compte ne fait que renforcer l'effet dangereux de l'homme, il a le torse ceint d'un bandage blanc serré, dont juste une bande entoure son épaule pour le maintenir en place. Emilia sourit : la mise en scène est parfaite : la peau de l'homme est huilée, et brille au soleil, et alors qu'elle le contourne pour l'observer à loisir, elle constate que Taïs a omis de recouvrir une partie des blessures de son dos, le montrant zébré, brut... Elle sourit de toutes ses dents.

"Tu seras le joyaux de la soirée, gladiateur. Va, cache-toi et attends que Taïs vienne te chercher."

Il semble hésiter, va répliquer... Mais en fin de compte, il obéit. Après tout, il est habitué à être montré comme un animal de foire, c'était son lot quotidien au Cirque. Rien ne change. Sauf son propriétaire.

"Bien Domina."

 

Le soir arrive et les convives aussi, uniquement des femmes de la haute société romaine, escortées de leur petit personnel. On les fait entrer au son des sistres et à la lueur de grandes torches fleurant bon les huiles parfumées. Avant toute chose, après les salutations hypocrites d'usage, la troupe se dirige vers le petit autel familial où, au milieu des lares, se dresse une éphémère statue de Cérès l'Abondante. Emilia, en sa vertu de maitresse de maison, lui fait l'offrande de fruits et de farine, ainsi que de quelques gouttes de vin et d'huile d'olive, avant de laisser chaque convive se recueillir devant l'image sacrée de la Déesse. Enfin, elle fait passer une coupe de vin au miel, dans laquelle chacune des invitées trempe les lèvres, pour sceller la paix entre elles, symboliquement tout du moins.

Il est temps de se rendre à la salle à manger, où les divans sont disposés en arc de cercle. Emilia, très au fait des usages, guide les deux soeurs Julii aux extrémités, réservées aux hôtes de marque. Elles sont du sang de Caesar, il parait que c'est important... Dommage qu'elles n'aient pas hérité de sa cervelle au passage. Enfin, les autres convives ayant pris place, elle s'installe au milieu de l'arc de cercle et tape des mains, pour annoncer le début du repas. La Gustatio d'abord, se compose de moules fraiches et de coques, assaisonnées d'une sauce qui vous arrache le palais. Après un  bref intermède musical, la Prima Mensa, qui met à l'honneur les viandes printanières : lapin, agneau de lait rôtis, ainsi que divers oisillons cuisinés au miel, et au safran, le tout accompagné de salades vertes, piquantes, de légumes en gelée, et d'un potage au basilic frais. Emilia mange pue, tendue... C'est lors de la Seconda Mensa qu'elle espère faire son coup d'éclat, alors que les langues se seront déliées et que les palais excités par les saveurs sucrées et poivrées des fruits et des pâtisseries réclameront force boisson. Une fois un peu imbibées, les convives ne pourront plus tenter de masquer leurs réactions devant son achat... elle jubile par avance. Et justement, alors que Taïs et les esclaves de cuisine apportent les premiers gâteaux ainsi qu'une montagne de petites fraises sauvages mûries au soleil du sud, voilà que la plus âgée des Julii se vante déjà que leur équipe n'a pas démérité. D'ailleurs, un des gladiateurs s'est même qualifié pour une finale, qu'il n'a perdue que de très peu, le public lui laissant la vie sauve pour sa peine. Looser...

Elle grignote un petit gâteau, et hèle Taïs de la main, avant de lui chuchoter à l'oreille d'aller chercher le "cadeau" de ces dames. Taïs ne peut réprimer un sourire mesquin... Elle sait combien Emilia a eu à souffrir des méfaits des deux soeurs et sa façon de se venger, aussi peu orthodoxe qu'elle soit, lui plait.

"Mesdames, je suis ravie de pouvoir vous présenter ce soir un spectacle hors du commun. Non, pas de danseurs insipides ou de musiciens ennuyeux! Non! Ce soir c'est la Fête des Jeux! Ce soir, nous allons avoir un gladiateur!"

Les femmes la regardent, l'air un peu surpris, puis intéressé, les Julii toutes les deux font déjà une moue hautaine, à la fois flattées et amusées d'être ainsi imitées... Mais elles déchantent dans la seconde :

"Je vous donnes, mes chères amies, le Lion du Désert, le Fils de la Lionne Sauvage! Le seul et unique vainqueur de toute l'année passée, qui prend une retraite bien méritée après tous ses exploits, et qui a bravé la mort plutôt que de tuer un seul adversaire de plus que ce que les Dieux lui auraient commandé! Mesdames : Leonides!"

Il entre, soigneusement éclairé par les torches, afin que sa peau brille de mille feux et qu'on voie ses muscles jouer à chacun de ses mouvements. La mise en scène est parfaite. Et les Julii verdâtres. Il s'approche de la plus âgée, et s'incline avec déférence, son poing frappant son épaule. Il a bien appris son rôle, ma parole. Pas si bête, le sauvage, en fin de compte. Elle renifle, tentant de se remettre de sa déconvenue, tandis qu'il recule avant d'aller saluer sa soeur. Soudain, il se fige, dans l'intervalle entre deux battements de coeur, et fixe Julia Minora. Elle blémit, puis rougit furieusement, avant de simuler une quinte de toux bien à propos pour cacher son visage écarlate dans ses voiles. Le gladiateur se détourne, et s'incline devant sa maîtresse, laquelle a le cerveau en ébullition... Et Marcella qui lui chuchotte :

"On dirait bien que les rumeurs étaient fondées... Minora semble apprécier les jeux du cirque d'une autre façon que nous..."

Emilia se contente de hocher la tête, et se promet de tirer cela au clair, au plus vite...

 

Elle devra attendre le départ de toutes les invitées, heureusement accéléré par l'envie pressante de rentrer des deux filles de la Gens Julii. Elle se précipite dans les quartiers des esclave en beuglant de façon absolument pas matronale : "Leonides! Viens ici!"

Il sort de la petite pièce où dorment les malades, baissant la tête pour ne pas se cogner au chambranle, et la regarde, sans dire mot.

"Tu connais Julia Minora!"

"Euh.. Non, Domina, je ne connais pas de Julia Minora, non."

"Ne mens pas, j'ai vu comment tu l'as regardée, et comment elle t'a regardé surtout."

"Ah cette dame là? Oui, celle là je la connais, un peu, mais j'ignorais son nom."

Emilia inspire à fond, et lâche le morceau, fébrile :

"Tu as couché avec elle."

"Non Domina."

"Oh toi ne me mens pas! Sinon je te ferais regretter de ne pas être mort sous les coups de Tellius! Tu as couché avec elle, elle n'aurait pas rougi comme ça sinon."

"Domina, il arrive parfois que des dames de la haute viennent s'encanailler avec des gladiateurs, j'dis pas... Mais je ne saurais pas te dire si celle là en fait partie, ma mémoire des visages n'est pas bien bonne, puis bon, c'est pas vraiment la tête des filles que je regarde quand je..."

Il termine sur une toux un peu étranglée, étouffant un terme juteux pour décrire la chose. Emilia tape du pied :

"Ne fais pas le malin, espèce de grand sauvage. Tu l'as très bien reconnue, assez pour t'arrêter sur elle, et les Dieux savent que ce n'est pas le genre de fille sur lequel on se retourne en pâmoison, grande et sèche comme elle est. Je veux savoir le moindre détail, Leonides, ou je te le promets, tu finiras les tripes à l'air pendu par les pieds!"

Leonides scrute le visage déformé par la rage de la femme qui le menace. Elle mesure à peine un mètre quarante et pourtant quelque chose dans sa voix et dans ses yeux la rend étrangement dangereuse, comme un animal enragé, une haine virulente...

"Elle t'a fait quoi l'autre asperge pour que tu lui voues tant de rage?"

Emilia grimace, hésitant à l'envoyer paître... Mais au fond, il sera peut-être enclin à l'aider après ça...

"Elles ont fait courir des bruits, sur moi et sur un de mes amis. Elles ont prétendu que mon fils serait le sien et non celui de mon mari. Mon mari furieux a fait tuer mon ami pour cela, même si d'apparence il semble avoir fait une chute de cheval. Je sais qu'il l'a fait tuer de jalousie. Et pourtant, jamais il ne m'a touchée, et mon fils ressemble bien trop à son père à présent qu'il a grandi pour qu'on puisse avoir le moindre doute. Je les hais, ces vipères, et je n'aurai pas de répit tant qu'elles n'auront pas mordu la poussière du pavé de Rome! C'est pour ça que j'ai besoin de savoir si tu as couché avec Minora, et les détails avec. Tu m'apportes une vengeance sur un plateau d'argent..."

Leonides passe sa main sur son front :

"On m'avait fait promettre de ne rien dire... Tellius a touché beaucoup d'or pour que je ne parle pas, et il s'est bien occupé de moi, j'ai eu tout ce que je voulais."

"Sauf que Tellius n'est plus ton maître. C'est moi qui te possède à présent et tu me dois obéissance."

"Ca c'est pas faux Domina..."

Emilia soupire, et se frotte la nuque qu'elle a bien raide tant elle est tendue depuis la fin du dîner.

"Laissons ça pour le moment, nous en reparleront demain et tu me diras tout ce que j'ai besoin de savoir. Tu as la nuit pour y réfléchir, si tu refuses de parler je te ferai tuer, c'est aussi simple que ça."

"Je n'ai pas envie de mourir Domina"

"Je sais bien, c'est bien la raison pour laquelle je t'ai acheté : tu n'avais pas envie de mourir, ça se voyait dans tes yeux. Penses-y, Leonides..."

Elle se détourne et se dirige vers l'atrium, pour se rendre dans ses quartiers privés. L'esclave reste là, à la regarder partir, les bras ballants...

 

Elle rentre à sa chambre, dépitée... Ce sauvage ose lui tenir tête? Elle échafaude déjà mille supplices pour lui faire regretter de si mal lui rendre les faveurs qu'elle lui a faites. Quoi? Elle l'a sauvé non? L'a soigné, nourri, logé! Grâce à elle il mène une vie de château, sans aucun risque... Tout ce qu'elle lui demande c'est une toute petite information de rien du tout! Sale chacal égyptien... Ingrat!!

Elle en est là de ses imprécations quand Taïs vient l'aider à se préparer pour la nuit. La gouvernante secoue la tête, mais ne dit rien. Cependant, sa maîtresse sent bien que sa vieille compagne a quelque chose sur le coeur.

"Quoi?"

"Pardon Domina?"

"Arrête ton char, Taïs! Tu ne dis rien, et quand tu ne papotes pas comme une cohorte de pies c'est justement que tu as un truc important à dire!"

"Mais, Domina!!! Une cohorte de... "

"Et encore, j'aurais pu dire une légion. J'ai modéré mes propos... Ne fais pas l'offensée, et dis-moi ce que tu as à dire."

"J'ai entendu ce que Domina a demandé au jeune gladiateur... Et je...je pense, mais je me trompe peut-être, que Domina... n'a pas tout à fait l'approche la plus efficace du problème..."

"Hein?"

"Tu t'y prends mal, Maîtresse."

"Ah bon? Tu vas me dire comment commander mes esclaves à présent?"

"Noooooooon, c'est pas ça... Maîtresse sait commander, c'est évident. Mais... Cet esclave là, ça n'est pas encore le tien, pas tout à fait. Il..ne te connait pas encore, il reste assujetti aux règles apprises au Cirque, où sa vie dépendait de son silence concernant les affaires...douteuses."

"Pas faux... Mais il va apprendre à me connaître, crois-moi."

"C'est une tête de bourrique égyptienne, Domina. Si tu te confrontes à lui directement, il te tiendra tête comme à un adversaire à l'arène. Et il préfèrera mourir que perdre son honneur. Il serait peut-être plus...judicieux... de te montrer moins intransigeante et plus subtile."

"Subtile? Que veux-tu dire par là?"

"Ne combats pas le Lion, mais dompte-le."

Emilia se renfrogne, mâchonnant une mèche de ses longs cheveux que Taïs peigne soigneusement, un geste répété des millions de fois depuis son enfance la plus tendre... La Domina réfléchit.

Le lendemain, elle le fait convoquer avant même le chant du coq. Impatiemment, elle fait les cent pas dans l'atrium, tortillant entre ses doigts une feuille de palmier.

Il s'incline quand il la voit, et reste un peu en retrait, la mine opaque, indéchiffrable. Une attitude qui bien souvent lui a servi à dérouter ses adversaires.

Elle décide de marquer de la distance, et s'asseoit, dans un fauteuil d'osier large et confortable. Elle tapote l'accoudoir de ses ongles trempés dans du henné, une délicieuse pratique venue d'Egypte, et renifle.

"Tu es un serviteur loyal... Même si ta loyauté, là, tout de suite, m'ennuie au plus haut point, je dois reconnaître que tu es un esclave honnête et loyal."

"Si Maîtresse le dit, Maîtresse a sans doute raison."

Il semble un peu déstabilisé, tout de même, il s'attendait sans doute plus à des récriminations et une sentence de mort.

"Tu ne mourras pas. On ne tue pas un esclave loyal et honnête. Je mettrai la main sur l'information que tu refuses de donner, par loyauté envers tes anciens maîtres et envers un serment prêté, d'une autre façon. Après tout, c'est à cela que servent mes denarii. Pensons plutôt à utiliser tes talents de façon utile. Mes balourds de gardes du corps auraient bien besoin d'une remise à niveau en matière d'arts martiaux. Ils ne pratiquent pas assez, et finissent par s'empâter, surtout que Taïs les nourrit comme des boeufs à engraisser. Tu vas te charger de les entraîner. C'est dans tes cordes, non?"

"Euh...Oui, bien sûr Domina, c'est sûr, ça je sais faire."

"Alors, au travail. Vous irez dans la cour, derrière les communs, les autres te montreront où trouver les armes d'entraînement."

La domina se relève et congédie son esclave d'un geste de la main, avant de gagner la petite pièce attenante à sa chambre qui lui sert à la fois de boudoir et de salon. Taïs lui servira un petit-déjeuner frugal, avant qu'elle ne se mette aux comptes de la maison, et ne reçoive les esclaves les plus âgés, pour leur donner les ordres à transmettre au reste de la maisonnée. Elle doit également recevoir un maquignon, pour acheter des chevaux pour son attelage, ainsi que son contremaître, qui s'occupe des fermes de son domaine en Illyrie, l'armateur de la flotte de navires dans laquelle elle compte investir... Elle se frotte l'arête du nez, déjà fatiguée d'avance...

 

Lorsqu'elle arrive à prendre un peu de repos, c'est après le Prandium, qu'elle a voulu frugal, à cause de la fatigue et de la chaleur. Du pain, du fromage de brebis et des figues séchées au vin, du miel, le tout arrosé d'un fin filet d'huile d'olive et accompagné de salade verte. Elle mange dans l'Atrium, à l'ombre, et au frais près du bassin décoratif. Des cliquetis étouffés lui parviennent, du fond de la maison, la cour des communs... Elle termine de manger et se dirige vers l'origine du vacarme, qui devient intense quand elle passe le porche des quartiers des serviteurs.

Leonides se bat avec Mellus, son garde le plus âgé. Mellus est équipé d'un bouclier rond, comme les barbares, et d'une épée en bois, Leonides d'une simple glaive court, et son bras droit est caché dans son dos, son poing serré. Il se bat de la main gauche, et d'elle seule, et pourtant c'est son bras le plus faible... Elle s'arrête pour observer l'issue du combat. Mellus semble avoir du mal à soulever son épée, alors que Leonides danse autour de lui, visiblement très en forme. Une passe du poignet et il touche Mellus à la cuisse, une autre attaque et c'est au flanc et dans la foulée, il assène un coup sec sur le poignet du garde, qui doit lâcher son arme de douleur.

"Tu es lent Mellus. Trop de bon vin, trop de bonne chère, pas assez d'exercice, sauf avec les filles!"
Leonides ne rit pas, il ne se moque pas, il constate, froidement. Mellus est bien obligé d'acquiescer, assis par terre dans la poussière, suant et haletant.

"Tu as raison, Gladiateur... Je me fais vieux, certes, mais c'est pas une excuse... T'es à peine plus jeune que moi, d'une année ou deux, au plus... Je me laisse aller, la Maîtresse est trop bonne avec nous, que veux-tu!"

La Maîtresse en question se sent soudain le droit d'intervenir, et son ton est assez sec...

"On dirait Mellus... Je pense que la Maîtresse sera un tantinet plus exigeante dorénavant, afin que tu restes en forme pour assurer sa sécurité."

"Maîtresse! Pardon, je ne voulais pas te manquer de respect!"

"Il n'y a pas d'offense Mellus. Tu as reconnu tes torts, et je reconnais les miens. Leonides, c'est une bonne chose que tu sois dans cette Domus, à présent, tu pourras rectifier le tir."

"Oui Maîtresse."

Allia, la plus jeune des servantes de cuisine, petite chose gironde, au teint frais des germaines, et aux cheveux de lin clair, s'approche des deux hommes avec une jarre d'eau, à laquelle elle remplit un gobelet d'étain. Elle tend l'eau fraîche à Leonides, avec une oeillade appuyée. Il s'en saisit, boit à longues goulées, et observe la fille avec un sourire intéressé, alors qu'elle tend le gobelet à Mellus, puis s'en va vers la cuisine, roulant son postérieur confortable sous sa tunique courte. Son regard n'échappe pas à Emilia, qui serre les dents, se demandant pourquoi cette réaction pourtant si masculine la contrarie tant. Elle fait volte-face et rentre dans ses appartements, agacée et renfrognée.

Elle réclame à Taïs un bain, et un massage... Taïs comprend que sa Maîtresse est contrariée, et comme à son habitude, tente de la dérider en lui racontant les ragots des cuisines, les derniers potins des écuries, ou les petites bêtises des uns et des autres.

"Le palefrenier s'est encore pris une veste : cette fois c'est la cuisinière, Archemisia, qui l'a envoyé paître. Bientôt, pour tremper son biscuit il n'aura plus que les juments! Mais il lui faudra un tabouret pour être à la bonne hauteur. Bonnifacia, la couturière, s'est foulé la cheville ce midi, rien de grave, mais qu'est-ce qu'on a ri! Figure-toi Maîtresse, qu'Allia, cette gourde, a renversé une jarre d'huile en plein milieu du couloir, et quavant même qu'elle ait eu le temps d'y mêler de la sciure de bois, la grosse Bonnifacia marchait déjà dessus. Elle a dérapé et s'est retrouvée les quatre fers en l'air, tournée sur le dos comme une tortue, à souffler et à jurer ses grands Dieux, insultant toute la maisonnée. Alors que Vitus, le commis de cuisine, a tenté de la relever, il a basculé sur elle, évidemment, maigre comme il est, il n'avait aucune chance contre cette baleine! Donc, il se retrouve vautré sur elle, à moitié étouffé dans ce qui lui sert de poitrine! Et nous, on en pouvait plus de rire, avec ça... Je te jure, le petit Vitus disparaissait littéralement dans les plis de Bonnifacia! "

Emilia n'écoute plus que d'une oreille distraite... Elle se relève, attrapant sa robe d'intérieur...

"Une jarre d'huile toute entière?"

"Oui Maîtresse, comme je te dis, une jarre d'huile, pas la bonne huile de Sicile hein? Mais celle pour les fritures."

"Tout de même... Convoque cette... Allia dans la cour, veux-tu? Et rassemble les esclaves."

Taïs se mord la lèvre. Quand la Maîtresse rassemble les esclaves dans la cour, c'est toujours pour faire un exemple... Elle hésite, s'apprête à plaider la cause de la petite germaine, mais le regard froid d'Emilia l'arrête tout net. Ca ne sera pas la peine de supplier... Emilia veut du sang.

Le temps d'attacher ses cheveux, de les cacher sous un voile de nuit, Emilia se rend dans la cour, où commencent à s'assembler les esclaves, la tête basse et le regard apeuré. Ils savent qu'il ne fait jamais bon s'attirer les foudres de la Maîtresse... Allia n'est pas là, on entend Taïs la héler dans les quartiers des esclaves... Emilia s'impatiente, et fait signe au commis de cuisine :

"Apporte moi le martinet des chiens. Si cette garce me fait attendre, elle y aura droit!"

Le garçon est déjà de retour, quand enfin, Allia paraît, sa tunique froissée, les cheveux défaits, la mine rouge, le souffle court. elle est suivie de près par un Leonides en pagne, la lumière du soir fait brilelr sa peau couverte d'une fine couche de sueur... Ce qu'ils faisaient est une évidence, d'ailleurs, quelques gloussements entendus s'échappent de ci de là de l'assistance. Allia s'arrête à bonne distance de sa Maîtresse, mais Taïs la pousse en avant, exaspérée d'avoir dû la chercher partout.

"Ton nom est bien Allia, femme?"

"Ou...oui Maîtresse."

"Tu es fille aux cuisines."

"Oui Maîtresse."

"C'est donc bien toi qui as renversé une jarre d'huile pleine ce matin?"

Allia blêmit, et secoue la tête :

"J'ai pas fait exprès, Maîtresse, je le jure!"

"Cesse de pleurnicher, et de me rebattre les oreilles de tes excuses idiotes. Tu renverses une jarre d'huile pleine, tu échappes par miracle à une punition, et tu réussis à me faire attendre pendant la moitié d'une rainure de clepsydre quand je te convoque et tout ça le même jour?"

Allia tombe à genoux devant la Domina, lâchant le haut de sa tunique qui glisse et dévoile deux seins ronds et blancs. elle ouvre la bouche pour supplier, quand Emilia reprend :

"Comment oses-tu, femelle lubrique, te présenter devant moi souillée, et débraillée? Où crois-tu que tu te trouves? Dans un bordel de Subure?"

La fille pleure, ses supplications coulent de ses lèvres comme une cascade, inaudibles, et désespérées.

Emilia saisit le martinet que Vitus lui tend, s'approche du tas sanglotant à terre et cingle la fille de quelques coups, qu'elle tente d'esquiver en hurlant.

"Leonides, tiens-là. Tu sembles aimer-ça, profites-en!"

L'Egyptien hésite. Il s'approche, mais ne saisit pas la fille pour la tenir. au contraire il se place entre elle et Emilia, l'air indécis.

Emilia exulte...

"Tu comptes m'empêcher de punir mon esclave, Gladiateur?"

"Euh... Non, Maîtresse, non, mais... elle n'a pas fait grand mal, et..."

"Elle est sale, dévergondée, et elle casse mes affaires!"

"Ca oui, elle a cassé la jarre, mais pour ce qui est de la dévergonder, c'est...c'est plutôt moi le fautif, Maîtresse..."

Emilia mord sa lèvre pour cacher un sourire victorieux. Elle inspire à fond, et recule d'un pas, abaissant le martinet.

"Tu n'as pas tort... Esclave." elle appuie sur ce mot, pour bien lui rappeler sa condition. "En ce cas, tu recevras le châtiment à sa place."

L'homme hoche la tête.

"Oui Maîtresse."

Comme si quelques coups de martinet allaient lui faire peur... L'assurance se lit sur le visage du gaillard, il se tient bien droit, dans l'attente des coups. Mais les autres esclaves, les hommes, grimacent... Ils savent, eux, ce qui l'attend. La Maîtresse a une façon bien à elle de manier le fouet.

 

"Les mains sur la tête, esclave."

Il cille, un peu surpris. Mais bon, si elle a envie de lui frotter les flancs avec son joujou, pourquoi pas? Il se campe bien droit, les jambes un peu écartées, on n'est pas dans la Légion hein? Il lève les bras et les replie sur la nuque, inspirant tranquillement et régulièrement, prêt à encaisser les coups dans les côtes, et sur le dos.
Elle, elle vise plus bas, directement entre les jambes, et le geste du bras et du poignet, sec, prouve qu'elle maîtrise cette technique à la perfection. Elle frappe pour faire mal. Et il a mal : il se plie en deux, respiration ou pas, et il semble sincèrement surpris d'un geste aussi vicieux de la part d'une femme du monde comme elle... Il grogne, mais il faut reconnaître qu'il ne gémit même pas.

Elle le nargue un peu, quand même :

"Alors, déjà las de tes élans secourables, esclave? tu veux qu'elle reprenne ta place?"

Il secoue la tête, sans un mot, et reprend la position, avec un air presque bravache. Elle n'en attendait pas moins, et prend tout son temps avant de placer le second coup, au moins aussi vicieux que le premier. Il est prêt cette fois et encaisse un peu mieux, mais elle ne le laisse pas reprendre son souffle, les coups se mettent à pleuvoir comme des scories sur Pompéi! Au bout du huitoème ou du neuvième il s'effondre à genoux, les mains sur son pagne, la tête basse.

Elle se détourne de lui, et montre la fille qui s'est cachée derrière les jambes de Taïs :

"Attachez la dans la cour là où est sa place, à la chaîne avec les chiens. Et Taïs, tu la priveras de nourriture pour les deux jours à venir."

Emilia se retourne, pour retourner à ses appartements, mais au passage, elle fait signe à ses gardes du corps :

"Mellus, Catano, Embarquez moi l'autre égyptien là... J'en ai pas fini avec lui!"

De fait, Emilia ne rentre pas directement dans ses quartiers, mais dans une pièce attenante au bureau de son mari, où elle-même travaille parfois, à tenir les comptes ou à écrire des courriers. Les deux gardes et l'esclave, encore un peu blême, il faut dire, la suivent.
Elle fouille dans un coffre posé au sol dans le petit réduit sans lumière, et en sort un long fouet de cuir, visiblement ancien et qui a servi... Elle le pose négligemment à côté du coffre, et se repenche pour continuer ses recherches. Enfin, elle tire un petit sachet de tissu râpé du conteneur, et l'ouvre. Dedans, une sorte d'étui en cuir...

"Tenez-lui les bras. Et toi, écarte les jambes, que j'ai accès à tes bijoux de famille... Si tu crois que je vais te laisser mettre en cloque la moitié de mes esclaves, tu t'es fourré le doigt dans l'oeil. J'ai pas que ça à faire de surveiller un élevage. Je te ferais bien couper les couilles, mais ça te rendrais flasque et gras... Je préfère prendre des mesures moins définitives."

Sur ces entrefaites arrive Taïs, un peu essoufflée.

"La fille est attachée dans la cour avec les chiens Maitresse, comme tu l'as ordonné."

"Bien. Tu tombes bien..."

Emilia tend à Taïs l'objet qu'elle vient de sortir du sachet de tissu. Taïs l'observe, et ne peut empêcher un rictus ironique :

"Ca, ça va le calmer, Maîtresse..."

La gouvernante entoure le sexe encore douloureux de l'étui et le serre, à l'aide d'un lacet de cuir qui court sur toute la longueur de l'objet. Enfin, des lanières viennent soutenir l'étui, pour qu'il ne glisse pas, à la base de la hampe et autour des bourses, à leur racine. Enfin, la Domina ajuste sans aucune délicatesse et sans aucune considération pour les grimaces de l'esclave, deux lanières supplémentaires, qui compriment le gland de son sexe circoncis, comme le sont souvent ceux des égyptiens.

"Voilà, avec ça tu auras du mal à sauter sur la première esclave qui passe sous ton nez en roulant du popotin."

Un crochet de métal vient finir l'ouvrage, glissé dans un anneau sous le sexe, et dans la lanière qui entoure les bourses, il attache littéralement le pénis vers le bas, et la sensation semble être tout sauf agréable pour l'homme, qui grimace, mais ne dit rien. En fait, il a déjà vu ce dispositif plus d'une fois... Tellius s'en servait pour punir les gladiateurs inefficaces, et leur attirer les quolibets des spectateurs.

Emilia se détourne, et sort, non sans lancer :

"Ramenez-le au quartier des esclaves. Et fermez la porte de sa cellule à clef."

Elle s'en va, et alors qu'elle arrive devant la fontaine de l'atrium, elle se lave les mains et se passe de l'eau sur le visage, la mine dégoûtée.









Par Kireseth - Publié dans : Domina
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Jeudi 28 juillet 4 28 /07 /Juil 11:23

Il est très tôt le lendemain quand Domina se lève. En général elle se lève très tôt, pour profiter du calme et de la fraîcheur matinale, Afin de trier ses courriers, de faire ses comptes, de donner ses ordres à sa maisonnée. Elle décide d'inspecter les cours, pour voir si tout est propre, et en ordre, mais aussi, elle se l'avoue intérieurement, pour voir la fille attachée dehors, dans le chenil.

Elle est sale, recroquevillée dans un coin, à l'ombre, et n'a visiblement pas dormi. Les chiens ne sont pas bien méchants mais la plupart des esclaves les craignent, ne faisant pas la différence entre ces chiens de garde et ceux dressés à poursuivre les fuyards. Elle tremble et Emilia ressent un frisson de contentement en voyant sa peur. Celle-là de ne remettra pas de si tôt ses imbécillités...

Elle hèle un des gardes qui la suivent partout :

"Détachez-la, emmenez-la à Taïs et faites la laver, elle pue. Qu'elle reprenne son travail dès cet après-midi, après la sieste."

"Bien, Domina."

La journée se déroule placidement... Elle a assigné le gladiateur à des tâches subalternes, il balaie les cours, et lave les sols, en plus d'entraîner les gardes. Elle n'assiste pas à l'entraînement, se contentant d'envoyer Taïs vérifier que tout se passe bien.

"Il ne dit pas un mot Maîtresse, ne desserre pas les dents. Mais quand Mellus a regardé son...bref...un peu trop longtemps, ben, il l'a immédiatement pris à part dans la cour pour un entraînement personnalisé... Le pauvre Mellus a un oeil au beurre noir et sans doute des côtes bien froissées!"

"Mellus n'a que ce qu'il mérite, ce gros flan... L'Egyptien est plus résistant que ce que je pensais... pas un mot pour me supplier de ne pas le punir, rien... Et le fouetter au sang n'apporterait rien de plus..."

"Maîtresse, il venait de se vider les bourses hier soir, il va falloir attendre pour que ta punition fasse de l'effet et qu'il recommence à avoir envie de..."

Taïs a un geste de la main évocateur, et terriblement vulgaire, Emilia glousse.

"Tu as raison Taïs... Mais... si nous le soumettions un petit peu à la tentation, ça aiderait sans doute. J'aimerais qu'il rende les armes au plus vite, j'ai besoin de ces informations sur Julia... Cette garce ne m'échappera pas."

Taïs réfléchit...

"Tu pourrais décider d'aller aux bains, et de faire en sorte qu'il t'accompagne comme un de tes gardes du corps?"

"Taïs? Tu es absolument perverse! C'est une excellente idée! Nous irons donc aux bains dès que je me réveillerai de ma sieste, prépare déjà le nécessaire... Il va se retrouver plongé dans une forêt de corps nus et lascifs pendant des heures, ça lui fera les pieds!"

"Non Maîtresse, pas les pieds..."

Encore une fois, Taïs illustre ses propos par le geste... Emilia éclate de rire.

La présence de ses gardes du corps à ses côtés n'étonne personne, pas même aux bains publics où en général on n'accepte que les femmes dans la partie qui leur est réservée... Emilia est une femme de patricien, d'une grande famille réputée, dont le mari a un rôle politique important. C'est une femme très riche, et la perspective d'un enlèvement contre de l'or, ou pour un mariage forcé en vue de récupérer ses biens, n'est jamais à écarter. Ainsi le maître des bains n'a pas le choix, et la laisse entrer, avec ses trois gardes, et sa servante.

Emilia commence par un bain brûlant... Elle n'a pas peur de l'eau chaude, et aime à sentir son corps se ramollir d'un coup, une fois habituée à la chaleur de l'eau. Ensuite, elle se fait épiler, par une des esclaves formées dans ce but que les bains proposent contre une modeste rétribution... Les sourcils, au fil, le reste du corps, avec une pâte odorante venue d'Asie, et souvent, il n'y a pas trop de travail, juste quelques retouches avec une pince à épiler. Elle a demandé à Leonides de la suivre en entrant dans l'espace délimité par des tentures où elle se livre aux mains expertes de l'esclave... Et devant lui, elle offre son corps sans retenue, écartant bien les jambes pour que la fille accède à son intimité qu'elle veut bien épilée, même si ça n'est pas entièrement. Elle l'observe, tandis qu'il détourne le regard, mais le sait conscient d'elle, de ses formes, elle sait qu'il trépigne intérieurement... Elle en rajoute, lâchant un gémissement de temps à autres, prétextant une douleur imaginaire, elle est tellement habituée à ce traitement qu'elle ne ressent bien sûr aucune souffrance. L'esclave est d'ailleurs désolée, se confondant en excuses sans arrêt, sans doute de peur qu'on ne la fasse battre pour avoir vilainement charcuté une matrone un peu douillette.

Après que la fille a fini, Emilia réclame l'unctor. Elle a ses habitudes : l'esclave qui la masse n'est pas une femme, mais un homme, car elle préfère ses doigts énergiques à ceux des esclaves féminines, souvent trop douces. Le Maître des Bains a déjà prévenu l'esclave habituel de son arrivée et il ne tarde pas, porteur de ses huiles et de serviettes de bain propres en lin immaculé. Emilia lui indique tout de suite quels endroits favoriser, moins concentrée sur Leonides que sur elle-même à cet instant là. Le massage qu'elle s'octroie au moins trois fois par décade est un remède souverain à ses tensions et un moment qu'elle privilégie entre tous. L'homme, un eunuque, commence toujours par ses jambes, pour remonter vers sa taille, puis il la fait se tourner sur le ventre, et masse son dos, pour finir par les épaules et la nuque. Et quand Emilia gémit, que ce soit de douleur quand il s'en prend à un muscle noué, ou de bien-être quand elle sent le noeud se dissoudre sous les doigts habiles, ça n'est plus du théâtre... Elle commence à avoir trop chaud, et ordonne à Leonides d'ouvrir les tentures, lui permettant par là-même de profiter de la vue... Des corps nus, plongés dans les trois bassins principaux, et les dizaines de petites esclaves vêtues de simples pagnes qui déambulent entre les femmes allongées sur les rebords.

Emilia savoure le regard éprouvé du mâle, qui n'a plus aucune échappatoire à ce spectacle... Pour un esclave de bains, il n'y aurait là plus rien d'intéressant... Mais si Leonides est sans doute rompu à la nudité, c'est à celle des hommes, pas tant à celle des femmes, et pas en une telle quantité, offerte à ses yeux.

Une très jeune femme le frôle, pour se glisser près d'Emilia. Elle lui apporte sa boisson comme toutes les fois qu'elle vient aux bains : du jus de  raisins et de cédrats fraîchements pressés et additionné de miel et de menthe. L'unctor a terminé, et Emilia s'assoit sur la table de massage, adossée contre le mur, les jambes nonchalamment repliées, se fichant royalement de la vue qu'elle offre... Elle profite encore un peu de l'effet relaxant du massage, laissant son regard dériver sur les bains et leur faune, savourant les bruits, là une femme crie car son alipa, son épileuse, n'est pas assez douce, là deux autres s'aspergent d'eau, au coin du bassin d'eau tiède un groupe rit et cancane...

"Je vais faire un tour aux bains froids, et ensuite nous pourrons rentrer."

Elle termine toujours par des ablutions toniques, pour chasser l'engourdissement bienheureux du bain chaud. Avant de rentrer, elle laisse sa servante la vêtir d'une stola propre, jaune, bordée de vert, et dénouer ses cheveux qu'elle avait serrés dans un filet pour ne pas les mouiller, avant de les couvrir d'un long voile.

Elle observe Leonides, subrepticement... Le cuir des sangles de sa contrainte est tendu, et s'imprime dans ses chairs... Mission accomplie...

 

Une décade plus tard, Emilia a le plaisir de voir revenir son fils, Octave, de l'académie. Il faut savoir qu'il n'y a qu'elle qui l'appelle Octave, la majorité des gens l'appellent déjà par son nom d'homme, Gaius, Ou bien par ses deux noms, Octavius Gaius. Pour l'instant, il n'a pas encore de surnom, ce sobriquet souvent élogieux, parfois drôle, mais toujours chargé d'une histoire toute personnelle, qu'on accole derrière le nom d'un romain pour le différencier des autres mâles de sa Gens, qui portent le même gentile nomen...

C'est un garçon fin, au visage pointu, aux yeux un peu trop grands, mais chargés d'intelligence et de curiosité. Il saute de son cheval à peine le convoi entré dans la cour principale et saute au cou de sa mère sans plus de cérémonies.

"Octavius! Tu rentres bien tôt! Je ne t'attendais pas avant la décade précédant les Floralies, Fils."

"Je fais demi-tour si tu veux, auguste mère!"

"Mais non, imbécile! Je suis ravie que tu sois rentré plus tôt, même si ça me surprend!!!"

"Aah, j'ai cru que je gênais, le temps que tu renvoies tes 12 amants et que tu fasses fermer le bordel privé illégal que tu as ouvert dans le jardin."

"OCTAVE! Comment oses-tu parler à ta mère!"

"Ben quoi? Tu sais bien que je plaisante, M'man... Puis c'est pas comme si c'était pas déjà arrivé, hein? Les matrones romaines faut bien qu'elles s'amusent quand leurs maris sont en Afrique."

"Il y a amusement et amusement... Quoi que... Ca rapporterait combien, un bordel?"

Emilia fronce les sourcils et fait mine de calculer, tandis que son fils éclate de rire.

"Elle ne perd jamais le nord ma mère quand il s'agit de gros sous! Mais passons. J'ai entendu une rumeur jusqu'à l'Académie... Tu as acheté un gladiateur? Un vrai? Et pas n'importe lequel?"

"Aaaah, j'aurais dû me douter que ma petite folie allait faire le tour de l'empire tiens! Oui, je me suis payé Leonides! Il entraîne nos gardes et il est bien moins idiot que notre dernier maitre d'armes... Et puis tu sais bien que pour faire bisquer les Julii, je ne reculerais devant rien."

"Et à raison en plus. elles ont bien bavé ces deux vipères?"

"Bavé et pire encore! Tu as raté un beau spectacle, fils."

"Je suis fier de toi, Mater!"

Le fils entraîne la mère dans la maison, saluant au passage les esclaves et Taïs qui l'accueille presque comme s'il était son propre fils, fondant en larmes de joie. Il réclame à corps et à cris à boire, et à manger, et tout le monde s'empresse de le servir, dans la meilleur humeur du monde. Aujourd'hui, c'est fête.

Tout est prétexte à banquet, à Rome... Le retour sain et sauf d'un fils, c'est une raison comme une autre d'inviter les voisins, de faire venir des saltimbanques égyptiens et leurs danseuses et se régaler de délicieuses victuailles... Surtout que le printemps touche à sa fin et que les légumes sont à présent gorgés de soleil et croquants, et que les lapereaux de l'année commence à avoir une bonne couche de graisse.

Emilia est passée maîtresse dans l'organisation de telles festivités, en un temps record. Elle a, il faut le dire, la chance de posséder de nombreuses fermes, des vergers conséquents qui fournissent les premiers fruits rouges de la saison, et une ribambelle d'esclaves parmi les plus qualifiés de tout l'empire. Et par dessus tout, elle a Taïs, qui connait aussi bien que sa domina les ficelles du métier d'hôtesse.

En cinq jours le banquet est prêt. Et personne n'a refusé l'invitation, une réception chez Gaia, ça ne se refuse pas! Elle a envoyé des esclaves avec des messages personnalisés à chaque convive, accompagnés de petits paniers de délicieuses bouchées au miel. Toute la cité ne parle que de ça... La fête chez Gaia.

Devant sa maison s'amassent des marchands de tous horizons qui espèrent qu'elle leur achètera quelque chose pour sa réception, et des pauvres qui veulent profiter des restes, qu'elle fera distribuer tout au long du banquet.

Lorsque la nuit tombe, arrivent tout d'abord les saltimbanques... Ils s'installent : musiciens, jongleurs, et surtout, les fameuses danseuses, dont le ventre fait des choses merveilleuses, comme s'il était habité par une vie propre. Elle n'a pas voulu de serpents... elle n'aime pas ces bêtes là. Mais une des filles a apporté son chat, une bête aux oreilles démesurées, qui ronronne et se frotte à ses jambes.

Emilia ne va pas en cuisine : elle est depuis le début de l'après-midi coiffée, habillée, fardée, et apprêtée... Elle ne veut pas qu'on sente l'odeur de la nourriture en train de cuire sur ses vêtements. Elle a tout vérifié minutieusement la veille et dans la matinée, ses gens savent comment tout doit se dérouler.

Elle a fait habiller ses gardes : un pagne égyptien, un harnais de cuir sous une peau de lion soyeuse, et du khol autour des yeux, à la mode des hommes de là-bas. Ses esclaves qui vont faire le service aussi portent des tenues de cérémonie en lin blanc, les seins nus pour les femmes, et autour du cou des pectoraux précieux.

Elle-même porte une tenue à la dernière mode égytienne, et une somptueuse perruque en vrais cheveux tressés en innombrables nattes, chacune ornée de perles de malachite allongées, qui tintent à chacun de ses mouvements.

Lorsqu'elle accueille ses premiers visiteurs dans son atrium, au son des tambourins et des sistres, le tableau est saisissant.

 

La soirée bat très vite son plein. Il fait beau, pas encore trop chaud, la nourriture et les vins sont à la hauteur de l'évènement, et la musique dépayse juste assez pour être intrigante... Emilia est fascinée par les danseuse, regrettant parfois de ne pas avoir le loisir de danser de cette façon, mais ça lui demanderait des heures de travail pour un talent qu'elle ne pourrait sans doute jamais utiliser et sûrement pas en public.

Une des filles surtout... Celle au chat... elle se déhanche comme si sa colonne vertébrale était un serpent ondulant dans l'herbe pour fuir le pas des promeneurs. Souple, rapide, et douée d'un équilibre très félin, son corps bronzé, huilé, scintillant à la lumière des flambeaux et des lampes, accroche le regard des visiteurs, mâles ou femelles... Elle ne laisse personne indifférent. Déjà, un des convives a envoyé son esclave personnel contacter le chef des saltimbanques, sans doute qu'il doit s'enquérir du prix pour avoir la fille pour quelques heures. Emilia sourit... Le saltimbanque va certainement le faire raquer cher.

Elle se redresse, pour attraper un morceau d'agneau aux épices douces, garni de figues séchées, et, au moment de se rallonger, elle jette un regard à Leonides, qui monte la garde et complète le tableau façon Cléopâtre qu'elle a composé ce soir. Il baverait presque, ma parole, l'égyptienne le fascine... Emilia sent une pointe d'énervement la saisir, puis se domine, avant de claquer des doigts vers Taïs.

"Va dire à l'autre égyptien que je veux cette fille ce soir, pour mon fils. Et que s'il s'avise de la promettre à un autre, il pourra rêver que je l'engage de nouveau pour un banquet..."

Elle a parlé assez fort pour que Leonides l'entende. Il serre les poings... Parfait... sois donc frustré, Lion du Désert... Ce soir ta proie ira à un autre. Taïs file comme l'éclair, et Emilia la voit murmurer aux oreilles du chef de troupe, lequel secoue d'abord la tête, puis grimace avant de céder... tout l'or de la terre ne remplacerait pas les énormes contrats que représentent les banquets de Gaia... Il fulmine mais il n'a pas trop le choix.

La soirée se poursuit, Emilia s'amuse, elle est la parfaite hôtesse, toujours au courant de tout et faisant croire à chacun qu'elle ne s'adresse qu'à lui. Elle a prévu tout ce qu'il faut pour distraire ses invités, les rassasier, et les ravir. La discussion prend un tour politique, c'est inévitable quand on invite des hommes, et elle décide de battre en retraite avec ces dames, les conviant dans le compluvium, pour admirer ses dernières plantes en pot, des arbres fruitiers que son jardinier a taillés pour qu'ils restent nains. Elle fait distribuer des douceurs, tandis qu'elle envoie Taïs servir encore du vin aux hommes.

Marcella n'a pas pu venir, étant partie inspecter ses domaines suite à de gros orages de printemps... Emilia réalise combien son amie lui manque, c'est moins drôle sans elle. Enfin, les premiers convives partent, aux premières lueurs du jour, et les esclaves commencent à ranger. Emilia peut se retirer pour dormir quelques heures, son fils est déjà au lit, et pas seul, d'après Taïs. La Domina se tourne vers Leonides :

"Va surveiller la chambre de mon fils... Il a ses propres gardes mais je n'ai pas confiance en eux, je ne les connais pas."

"Bien, Maîtresse."

Il se retourne d'un bloc, rien sur son visage aux yeux brillants dans l'ombre du khôl ne laisse paraitre ses sentiments, mais Emilia savoure sa mesquinerie... Il va passer la nuit devant une porte close à entendre les ébats d'un jeunot et de la femme qu'il convoite. bien fait!

Un vacarme fait de cris et de bruits de casse la réveille, la tirant d'un sommeil profond et aviné. Elle se secoue, et se lève, alors que Taïs entre en hurlant dans la chambre :


"C'est le jeune maître!!! On a tenté de le tuer!!!"

Elle sent son coeur s'arrêter de battre, et sans prendre le temps de se couvrir, fonce, nue, vers le fond du couloir, où elle trouve Leonides penché sur un corps, deux jambes nues qu'elle voit dépasser... Elle crie... Il se redresse : l'égyptienne est morte, la mare de sang dans laquelle elle gît ne laisse pas place au doute. Emilia appelle, sentant sa voix s'étrangler dans sa gorge :

"Octave..."

"Je suis là, Mère. Tout va bien, je ne suis qu'égratigné, grâce à ton gladiateur, s'il n'avait été là j'y passais... Ils étaient deux, et il les a terrassés en quelques instants."

Emilia regarde l'esclave, puis dans la chambre... Deux hommes gisent là, l'un des deux a sa tête qui forme un angle bizarre au dessus de son cou... Ca n'est pas la première fois qu'on attente à la vie de son fils ou même à la sienne propre : les ennemis de son mari, les jaloux, les membres de sa famille qui profiteraient de sa mort sont nombreux. Mais jamais on ne les avait attaqués dans sa propre maison... Ces murs ont toujours été synonymes de sécurité absolue. Elle sent la colère monter, la rage, froide, et sa voix sonne étrangère à ses oreilles alors qu'elle dit :

"Pendez moi ça dehors, devant la grande porte, et sortez moi leurs tripes que les chiens les mangent. Que leur employeur sache qu'ils ont échoué... Et qu'il puisse bien les voir et s'imaginer à leur place."

Leonides s'approche, et murmure :

"Domina?"

"Oui?"

"Il faut savoir comment ils sont entrés... Ca n'est pas par la porte, j'étais devant... Ils ont dû passer par les toits et creuser dans les murs poru traverser vers la chambre du jeune maître."

"Tu as raison... vous allez vous en charger et vérifier que la brèche est refermée et que la sécurité de la maison n'est plus compromise. Je ne peux pas retourner me coucher en sachant qu'on pourrait à nouveaux avoir des visiteurs."

Satanés murs de briques... Avec de la patience et de bons outils, on pouvait passer à travers n'importe quel mur à Rome, point n'était besoin de forcer les portes. Mais...

"Ils savaient où aller, de toute évidence : il y a quatre couloirs et de nombreuses chambres dans cette aile, ils savaient exactement où frapper. Octave? Tu changes d'appartements, immédiatement. Tu prendras ceux de feu ton grand-père, ils sont protégés par un mur plus récent, puisque ton père avait tout fait refaire pour s'y installer, avant de devoir partir. Tu es sûr que tout va bien?"

"Oui Mère. Regarde ma blessure, ça n'est rien, juste une estafilade, je n'ai même pas mal. Mais ça aurait pu très mal se finir."

Octave est nu lui aussi, et son ventre est barré d'un vilain fil rouge d'où sourdent quelques gouttes de sang. Oh, oui, c'est passé très près. Emilia passe sa main sur son visage...

"Tout va bien Maîtresse? Tu veux t'allonger?"

"non, merci Taïs... Mais si j'attrape celui qui a ordonné ça... je l'étriperai de mes propres mains avant de donner son coeur à manger à mes porcs! Je le jure devant Némésis, Je vais tuer cet infâme salopard, de mes propres mains!"

Elle ne pleure de rage, le choc se répand dans ses os comme une coulée froide. Taïs la prend par les épaules et la guide vers sa chambre, la sermonnant comme une petite fille :

"Tu es froide comme une tombe, ma fille, tu vas geler sur place, il faut te couvrir, Taïs va s'occuper de toi... Viens ma belle, viens... tout est fini."

 

Toute la maisonnée a sans doute conspiré pour la laisser dormir, après cela. Elle se réveille longtemps après que le soleil ait commencé à décliner, en fin d'après-midi. Taïs lui apporte à manger, sans bruit, sans un mot, quelque chose de léger : un potage de lentilles, du pain, des fruits. Elle mange un peu, mais son estomac ne semble pas avoir très envie de collaborer. Elle se lève donc, décidée à ne pas se laisser abattre. Alors qu'elle sort, elle constate que Catano monte la garde à sa porte. Il la suit, quand elle se rend dans l'atrium.

Leonides l'y attend déjà ainsi qu'Octave, habillé de frais, lavé et rasé.

"Mère? Mellus est mort. Leonides a trouvé son corps sous le mur d'enceinte nord, il a sans doute surpris les intrus et a tenté de s'interposer, ou de donner l'alarme."

"Mellus? Ce gros flan?"

Ca, c'est un coup dur... Mellus fait partie de sa garde depuis son mariage ou presque... Elle s'asseoit et prend sa tête dans ses mains, se forçant à respirer doucement.

"Il s'est bien battu maîtresse, son corps porte des traces de coups et un des assassins était bien blessé, et il a sans doute crié, mais avec la fête, personne ne l'aura entendu..."

"Il a été courageux..."

Elle secoue la tête comme pour s'ébrouer, pour se réveiller.

"Taïs, fais porter son corps dans la cour des communs, prépare le pour être incinéré, et envoie Licius chercher un prêtre. Il aura des funérailles dignes de son acte héroïque, et il sera incinéré à l'ustrinum de la via Mettelia... On lui fera une place dans le Colombarium de la famille Gaius. Il ne mérite pas moins. Ne t'inquiète pas Taïa, je paierai pour son passage du styx, Charon aura sa monnaie... Fais moi porter ma bourse, que je m'occupe de ça."

Il était rare qu'on incinère un esclave, en général leurs corps étaient jetés avec les plébéiens les plus pauvres dans des fosses communes aux abords de la cité, où aucun mort n'avait le droit de demeurer. Mais parfois, un serviteur méritant, ou très aimé, se voyait octroyé l'insigne honneur d'être célébré à sa mort comme un citoyen de haut rang. Mellus ne s'en irait pas sans les honneurs. Emilia sentit son coeur se serrer au souvenir du visage rond, du regard bovin... Mellus était une crème, fidèle comme un chien à ses maîtres. Elle regarda Catanno : il semblait perdu, sans son ami et frère d'armes...

"Catanno? Tu vas veiller le corps de Mellus. Il aurait voulu que tu organises les libations sur son lit de mort. Tu es son plus proche ami, c'est à toi que reviendra l'honneur de dire son éloge, devant les membres de la maison."

Elle vit le regard de Catanno s'éclairer, avant qu'il ne détale vers l'arrière-cours.

"Tu as fait ce qu'il fallait Mère... Mellus mérite une sépulture digne."

"Je sais ce que je lui dois Octave. Ta vie, plusieurs fois, et la mienne."

 

"Leonides, suis-moi."

Rarement, elle s'adresse à lui par son nom. Elle se lève, et va vers ses appartements. Elle bifurque, pour entrer dans son boudoir, la pièce qu'elle favorise pour être seule, si l'on excepte le bureau où elle travaille. Elle s'assoit dans un des fauteuils en bois sculpté, originaires de Gaule, et croise les jambes sous sa stola de tous les jours, beige, bordée d'un simple trait bleu.

"Tu as sauvé la vie de mon fils."

"J'étais au bon endr..."

Elle l'interrompt d'un geste.

"Tu étais là, et tu n'as pas failli. Je te confie la vie d'Octave. Ses gardes ne sont bons à rien, j'avais raison, et Catanno est trop bouleversé pour être utile pour le moment. Je vais donc m'appuyer sur toi, Lion du Désert..."

"Je ferai ce qu'il faut Domina. Personne ne s'en prendra au jeune maître sans devoir me tuer avant."

"Quelle loyauté, alors que tu n'es mon esclave que depuis quelques décades..."

"J'ai mon honneur Maîtresse. C'est la seule chose que j'ai. Je ne faillirai pas."

"Alors c'est comme ça que ça marche? Tu considères quelque chose comme une question d'honneur et tu t'y tiens... C'est pour ça que tu ne veux pas me parler de Julia?"

Il réfléchit, sans doute à la façon de formuler sa réponse sans s'attirer les foudres de sa maîtresse... et finit par hocher la tête, sans rien dire, prudent.

"J'aurais dû m'en douter... Un jour je te raconterai en détails ce que je dois à Julia... Et peut-être que tu changeras d'avis. Mais je ne t'ai pas fait venir pour ça. Tu as sauvé la vie de mon fils, tu seras récompensé."

Il lève un sourcil surpris.

"Je ne suis pas généreuse, mais pas pingre non plus, esclave... Quand on m'obéit, on reçoit la récompense qu'on mérite. Tout comme on reçoit la punition qui convient quand on me désobéit..."

Il grimace.

"N'est-ce-pas..."

Elle se tourne vers la porte et appelle :

"TAAAAAAAAAAAÏÏÏÏÏÏS!!!"

 

Taïs arrive en courant :

"Oui, oui Maîtresse!!! J'arrive! Marcella est là, elle vient de rentrer de son domaine de Ligurie et est venue ici sans même faire de pause dès qu'elle a eu vent de l'attentat. Que puis-je pour toi Maîtresse?"

"Prépare les bains des esclaves et envoie cette...tu sais, la fille avec la jarre d'huile là..."

"Bien maîtresse. Et pour Marcella?"

"Fais lui préparer à manger, et mon bain privé, tu la masseras... Et apporte moi des fruits, et de la viande grillée, il doit en rester d'hier, froide elle sera succulente. De la laitue aussi..."

"Bien Maîtresse, c'est bon de voir que tu retrouves l'appétit."

"Ca n'est pas pour moi, mais pour lui."

Emilia montre Leonides.

"Aujourd'hui, il mangera comme un prince, et sera choyé par toute la maisonnée. Il a sauvé mon fils et il ne sera pas dit que je ne récompense pas la bravoure et la loyauté."

"Ah! Mais alors, j'ajoute du pain et du fromage! Il doit avoir de l'appétit, vu comme il est bâti."

"Bonne idée Taïs... Préviens Marcella que je passerai la voir dès qu'elle sera installée, et remise de son voyage. Elle doit être épuisée..."

"Elle a dormi dans la litière et semble en pleine forme... Mais elle est capable de dormir sur le dos d'un cheval dans la cale d'une galère en pleine tempête."

"Pas faux... Elle a un don, que veux-tu? Je la rejoins sous peu."

Taïs se sauve et on l'entend crier des ordres dans le couloir.

"Tu es bonne avec moi Domina."

"Tu as mérité de bien mangé et de te distraire. Tu pourras te baigner, comme si c'était jour de fête, tu seras massé et je te donnerais 4 heures de libre ce soir pour aller t'amuser en ville. Et ne t'inquiète pas pour le coût, je paierai. Tu partiras avec une bourse d'or et tu feras ce que tu veux avec."

 

Rapidement, deux esclaves reviennent dans le boudoir avec un repas riche et odorant sur un plateau, ainsi qu'une cruche de vin coupé d'eau. Emilia hoche la tête et sourit

"Voilà, tu as de quoi manger. Restaure toi, et tu pourras aller aux bains après. "

"Merci Domina."

L'homme ne se le fait pas dire deux fois. La nourriture des esclaves dans cette maison est loin d'être ignoble, comparé au cirque, mais elle reste frugale, et peu variée, du moins en temps normal. Hier soir il a souffert de ne pas pouvoir goûter les plats délicats préparés pour le banquet, alors que tout le monde se régalait sous ses yeux... Alors il se rattrape : la viande, de l'agneau grillé avec des épices, est délicieux, et le fromage de chèvre, frais et onctueux, est un régal qu'il n'a plus l'habitude de goûter. Le pain est fin, fait des meilleures farines, les plus blanches, et additionnée de lait, et les fruits... Les fruits rouges sont si difficiles à conserver et si chers qu'un esclave aura de la chance d'en manger dans sa vie.

Emilia le regarde manger, congédie les esclaves et leur rappelle de bien prendre soin de son amie Marcella. L'un des deux répond :

"La dame est en train de manger, elle se régale, et semble aller très bien. Elle dit qu'elle veut bien se baigner et qu'elle sera ravie si Maîtresse lui tient compagnie."

"J'irai la rejoindre dans quelques instants."

"Bien Maîtresse."

Elle observe l'ancien gladiateur manger, consciente soudain de la chance qu'elle a d'avoir sur sa table une variété de nourriture si importante, comparé au commun des habitants de Rome... Il dévore, le jus de la viande coule sur son menton et elle rit :

"On dirait que tu n'as pas mangé depuis trois jours!"

"C'est que ché bon, l'agneau et ché pas tous les chours qu'on en a à mancher quoi..."

"Ca... cette année les agneaux sont tout particulièrement tendres, l'herbe est très verte avec ce beau printemps... Que penses tu des épices?"

"Ca pourrait être plus épicé. Les Romains sont délicats, leur nourriture manque de piquant."

"C'est vrai qu'en Egypte on rend tout aussi brûlant que le soleil du désert alors? Je n'aime pas quand la nourriture brûle trop mon palais, j'aime sentir le goût des bonnes choses. Mais si tu veux, je te ferai porter du poivre..."

"Cha ira maikreche... chai prechque fini de toute fachon..."

"Ca... j'ai rarement vu un repas aussi vite mangé, excepté par mon fils, qui lui aussi a un bon coup de fourchette."

L'homme a terminé. Elle lui fait signe de se lever et s'approche.

"Soulève ton pagne."

Il obtempère, mais son visage laisse paraître sa surprise.

"Quoi? Je t'ai dit que tu allais pouvoir t'amuser, et te détendre. Tu auras du mal à profiter de ta journée si tu gardes ça..."

Elle montre le dispositif de cuir qui enserrer son sexe, avant de commencer à le dénouer. La réaction du gladiateur est aussi immédiate qu'involontaire, il bande, comme un taureau en rut...

"Eh bien, je pense que tu n'auras aucun mal à... profiter des plaisirs que je t'offre. Je t'aurai volontiers offert l'Egyptienne d'hier soir mais là, elle a perdu pas mal de ses charmes, quoi qu'il paraît que tous les goûts sont dans la nature?"

"Euh, non merci Domina, je préfère les femmes bien vivantes, tout de même..."

Il a rougi un peu, quand même, choqué sans doute qu'une femme du monde évoque des pratiques si... absurdes et contre-nature.

Elle rit :

"Alors tu auras bien plus de plaisir avec cette potiche d'Allia... File, j'ai d'autres chats à fouetter, je dois retrouver Marcella."

Il ne se le fait pas dire deux fois, remet son pagne en place et détale comme un lapin, sous les rires de sa maîtresse.

"Les hommes... c'est facile de les contenter, au fond."

 

Marcella marine dans un bain tiède aux herbes quand Emilia la rejoint dans les bains privés de la villa. Ils sont bien plus petits que les bains publics évidemment, deux bassins, un d'eau fraîche et un autre, tout petit, qu'on remplit d'eau à volonté, chaude, ou froide. Une petite pièce attenante permet de prendre un bain de vapeur. Son amie l'accueille avec de hauts cris, Marcella a toujours été très démonstrative. Elle s'apitoie, maudit les assassins, s'inquiète, pleure de rage, et finalement, s'enquiert surtout des derniers ragots qu'Emilia aurait entendus lors du banquet.

Cette dernière rit, et entame un très relaxant papotage avec son amie, lui racontant dans le menu la soirée, puis la matinée, agitée, l'attentat et enfin, l'acte de bravour du Gladiateur, et la mort de Mellus.

"Aah, c'est triste pour ce tas de flan... J'l'aimais bien, il était drôle à sa façon."

"Oui hein? Il va me manquer, et plus encore à Gaius... Il le connaissait depuis des lustres."

"C'est vrai. Mais heureusement que ton nouvel esclave est aussi efficace, ça aurait été tragique de perdre Octave, alors qu'il est si vigoureux..."

Marcella a perdu deux enfants en bas âge, et Emilia sait à quel point elle en a souffert. Elle serre la main de son amie et l'aide à se sécher, puis à s'habiller de frais.

"J'ai récompensé Leonides à la hauteur de sa bravoure, crois-moi. En ce moment même il prend du bon temps avec une esclave dans les bains des serviteurs."

Marcella glousse. Puis elle attrape la main d'Emilia et demande, l'oeil brillant :

"Dis moi... Les bains de tes serviteurs là... Ils sont équipés de ces grilles de bois?"

"Euh, oui... le grand-père de Gaius aimait espionner ses esclaves aux bains, en effet, comme souvent mais... Non, Marcella! Je te vois venir!!!"

"Hé! c'est l'occasion rêvée de vérifier si toutes les rumeurs concernant le Lion du Désert sont vraies!"

Marcella n'a pas fini de parler qu'elle entraîne déjà Emilia dans le couloir, direction la salle de bain des serviteurs, qui se trouve juste à côté de celle des maîtres, mais qui est équipée d'un dispositif aussi ingénieux que sournois : des grilles de bois ouvragées, fabriquées en Egypte, permettent à qui a accès au couloir arrière d'observer les baigneurs, sans qu'on ne le voie depuis les bains. Emilia ne s'y est jamais rendue, mais sait bien que souvent les patriciens aiment voir leurs belles esclaves prendre leur bain, et en choisir une pour qu'elle partage leur lit...

Elle a la clef, cependant, du couloir... Elle a les clefs de toute la maison, et elle est la seule. Elle ouvre la porte qui n'a sans doute pas servi depuis des lustres, et entre dans le réduit sombre, où se trouvent trois fauteuils de bois. Marcella glousse en repoussant tout doucement le panneau de bois qui camoufle les moucharabieh.

Leonides est en train de mariner dans la baignoire, Allia, nue, se trouve à ses côtés et lui masse les épaules avec de l'huile mêlée de pépins de raisins écrasés, pour purifier sa peau. Il a les yeux fermés, mais il ne peut pas ignorer les énormes seins de la fille qui frôlent tour à tour sa tête, son torse, puis son visage.

Marcella chuchotte, et se retient de rire :

"Ma parole! Elle l'allume comme une cocotte à Subure, elle a le feu au cul celle-là!"

Emilia ne peut s'empêcher de ricaner :

"Ca, tu l'as dit. Je ne sais pas comment elle fait pur ne pas déjà m'avoir pondu une douzaine de marmots... Même Gaius aime à la prendre avec lui dans les bains, sans doute à cause de ses mamelles de vache laitière."

"Les hommes sont vulgaires, en tout cas au lit. Mais si ça peut leur faire plaisir hein?"

L'homme semble se lasser d'être passif. Il attrape la fille par la taille, et commence à la caresser, sous l'eau, ce qui fait grogner Marcella :

"Il pourrait au moins la sortir de la flotte, qu'on voit quelque chose..."

 

A croire que le gladiateur les a entendues... Il soulève la fille, comme si elle ne pesait rien, et l'assoit sur le bord du bassin. Il écarte ses jambes sans autre cérémonie et plonge sa tête entre les cuisses blanches, ce qui fait immédiatement soupirer l'esclave qui rejette sa tête en arrière en agrippant ses seins qu'elle malaxe brutalement.

Marcella est morte de rire :

"Eh ben, quelle cochonne celle là! Mais, tu ne m'avais aps dit qu'il sait se servir de sa langue en plus de se servir de son épée, ton gladiateur... bon, on en fera pas un orateur au sénat mais c'est déjà pas mal hein?"

"Euh... J'en savais rien moi... Tu crois que j'ai que ça à faire de savoir ce que mes esclaves aiment comme positions pour honorer Vénus?"

"T'es pas assez curieuse, Emilia, tu dois t'emmerder sévère au lit... Surtout que Gaius n'est pas vraiment réputé pour ses prouesses dans le domaine. Tu devrais vraiment t'octroyer un peu de bon temps..."

L'homme redresse la tête, et on le sent passablement concentré sur sa tâche... Il cale ses genoux contre le rebord du bassin et brutalement s'enfonce dans la fille qui n'attendait que ça et commence à meugler comme le bovin qu'elle est. D'ailleurs, le gladiateur semble apprécier moyennement, il plaque sa main sur la bouche de la fille, et ferme les yeux, allant et venant plutôt vite entre ses reins.

"Ahhh! Un peu d'action. Tu as pu voir sa queue Emilia? J'ai rien vu..."

Marcella semble déçue.

"Nan...mais c'est pas comme si je regardais, en même temps... "

"Mais c'est pas croyable, tu sembles t'ennuyer là... Remarque : lui aussi n'a pas l'air de trouver la situation si engageante. Il faut dire que cette femelle fait un tapin d'enfer, et ne participe pas des masses. Ca manque de variété là."

"Comme tu dis... c'est assez bovin."

Marcella recule et se laisse tomber dans un des fauteuils, qui racle par terre dans un grand bruit. Le couple sur le bord de la baignoire se fige, enfin, l'homme... Il se tourne vers les panneaux de bois... Emilia et Marcella retiennent leur souffle, et Marcella murmure :

"Flûte de pan! Repérées!"

La fille semble protester que l'autre se soit arrêter de la limer comme un barreau de prison, il la regarde, regarde encore les panneaux, et un sourire se dessine sur son visage. Il reprend sa besogne, orientant subrepticement la fille de façon à offrir un spectacle bien plus intéressant aux deux voyeuses.

Marcella colle son nez au moucharabieh pour ne rien en perdre :

"Oh mais mon cochon, il aime qu'on le regarde!"

 

Marcella a passé ses doigts au travers du panneau de bois... L'homme sourit, il sort de l'eau, et retourne la fille, l'encourageant à se mettre à quatre pattes face aux deux femmes dont elle n'a visiblement pas idée qu'elles sont là. Elle proteste, un peu. Il l'attrape par les cheveux, et tire sa tête en arrière, tout en agrippant un sein qu'il malaxe entre ses doigts, avant de pincer son téton, elle couine, et tend sa croupe plus que généreuse vers lui. Il s'y enfonce, sa main libre posée sur sa hanche, mais ses yeux vont droit sur le mur du fond, vers l'emplacement où sont Emilia et Marcella. Cette dernière glousse de plaisir :

"Si tu n'en as pas l'usage, tu devrais me prêter ce lion torride! Moi je ne boude pas mon plaisir moi... Bon,c 'est sûr, il faudra attendre que mon mari soit parti en voyage, mais... Oh, zut, il sait bien que je m'amuse de temps à autres, tant que je reste discrète."

"Marcella! Ne compte pas sur moi pour encourager tes vices."

L'homme ramone la fille comme s'il était pressé d'en finir, elle gémit, sans doute pas seulement de plaisir, il est brutal. Soudain, il se retire et lâche une gerbe de semence sur le postérieur rond. Elle râle, il la retourne, et d'un coup sec, la gifle. Elle porte sa main à sa joue, et rit, avant de se faire douce, et caressante, se collant contre lui. Il se penche vers elle, ses doigts la fouillent, elle s'offre et soupire. Il caresse les seins ronds, les cuisses, tandis que son autre main tire des gémissements de jouissance du corps écartelé. Mais Marcella n'a d'yeux que pour un autre détail :

"C'est vrai!!! Regarde : il a joui et son bazar est encore droit comme un tronc de cèdre!!!"

Emilia doit reconnaître que c'est la vérité... Elle renifle. Il bande encore, et pas qu'un peu. A ce rythme, ça peut durer encore des heures.

"J'en ai assez vu, si on s'en allait?"

"Hé, tu n'as qu'à y aller, moi j'veux voir la suite moi! Me gâche pas mon plaisir!"

"Espèce de truie lubrique..."

Marcella sourit de toutes ses dents.

"Faut bien s'occuper hein? Sinon on s'ennuierait à mort."

Au moment où Emilia quitte le couloir secret, la fille est en train de gémir de bonheur, et l'homme s'enfonce dans sa gorge sous les gloussements étouffés de Marcella.

 

Elle passe le reste de la journée à se concentrer sur son travail. Enfin, elle essaie. Mais la petite séance aux bains ne lui sort pas de l'esprit, aussi pénible cela soit-il. Si elle pense à son sexe érigé comme un obélisque. Non, en fait... Pas vraiment. Ce qu'elle revoit sans arrêt c'est ce petit sourire moqueur, et cette suffisance quand il a réalisé qu'on le regardait. Il a vu la main de Marcella à travers la dentelle de bois, ses doigts chargés de bagues, une main d'aristocrate, pas de servante. Et il a sans doute cru que c'était elle-même... Que la maîtresse de maison se faisait un petit plaisir en regardant son esclave troncher une bonniche... Elle grimace, de colère... De honte... Et se jure de trouver un moyen de rabattre son caquet à Leonides. Rancunière? Mais non...

Elle évitera de le revoir, fuira même. Elle donne à Taïs une petite bourse de pièces d'or pour lui, comme promis, afin qu'il puisse aller s'amuser en ville, et fait tout pour penser à autre chose que son air goguenard et satisfait.

Au petit matin, des bruits de conversation la réveillent. Des chants, un rire aviné, un objet tombe et se brise au sol... Elle se lève, après un sursaut de peur, comprenant que cette fois ça n'est pas un attentat.

C'est Octave qui chante, qui braille à tue-tête. Il tient Leonides par le bras et titube vers sa chambre. Le gladiateur n'a pas l'air tellement plus frais...

"Octavius Gaius!"

"Mère! Gente Maman, ça va? On t'a réveillé, chuis désolé!"

Il a la voix pâteuse des ivrognes, et il pue... La pisse, le sperme, le vomi et le parfum bon marché.

"Si tu pouvais m'expliquer ce que tu fiches à cette heure et débraillé comme tu es?"

"Je reviens de Subure et j'me suis bien amusé, c'est un problème?"

Elle serre les dents et se tourne vers le gladiateur :

"Tu as emmené mon fils à Subure?"

L'homme n'a pas le temps de répondre qu'Octave enchaîne déjà :

"C'est moi qui ai voulu y aller! Et ça valait le coup! Fiche nous la paix, femme!"

Elle se force à inspirer calmement, à ne pas laisser exploser une colère qui la ferait paraître bêtement émotive, elle regarde Octave, puis le gladiateur qui ne dit rien...

"Nous règlerons ça demain matin. Quand vous serez propres, et que vous aurez dessoulé."

 

Elle est dans son bureau quand Octave vient la trouver. Propre, rasé, et des cernes sous les yeux, pâle, limite verdâtre. Elle étouffe un rire... Le voilà bien puni!

"Tu voulais me voir M'man?"

"Tu sais très bien que je voulais te voir, que je vais t'engueuler comme du poisson pourri au marché, et je sais déjà ce que tu vas me répondre, fils indigne!"

"Si tu pouvais passer la phase où tu me cries dessus? J'ai mal au crâne et..."

"C'est la seule façon que j'ai de te mettre du plomb dans la tête, j'ai pas l'intention de m'en priver! Tu es...

STUPIDE!"

Elle s'est levée, et a volontairement fait monter sa voix dans les aigus, pour la peine. Il grimace, les dents serrées, et porte une main à sa tempe.

"Crétin alpestre! Asinus! On vient de tenter de te tuer et tu te balades à Subure comme si c'était les jardins du palais impérial! Tu as perdu la tête!!! Ou en tout cas tu vas la perdre sous peu, littéralement!!!! C'est un coupe-gorge, et ne me dis pas que l'autre gladiateur était là et aurait pu te sauver, la chance ne te sourira pas indéfiniment. Tu as mal au crâne? C'est bien FAIT!"

Il recule, hoche la tête, et prend un air de chien battu très convaincant.

"Je ne peux plus te battre comme plâtre tu es définitivement trop âgé pour une bastonnade, mais crois-moi, c'est pas l'envie qui m'en manque. Et je devrais te forcer à battre ce gros imbécile de Leonides, rien que parce que tu l'as forcé à t'emmener! Et ne nie pas, je sais qu'il a fallu que tu insistes pour qu'il t'emmène, je ne suis pas débile!"

"Il ne voulait pas au début, je lui ai dit que j'irais avec ou sans lui et qu'il valait mieux pour lui que ce soit avec, puisqu'il était mon garde du corps."

"Tu es un gamin irresponsable et irrespectueux! Tu me manques de respect et tu vas me forcer à punir un esclave parfaitement docile pour rien, à cause de tes âneries!"

Il hausse les épaules

"T'as qu'à pas le punir..."

"Et laisser croire qu'on peut me désobéir? Rêve pas... Il sera puni, même s'il n'avait pas vraiment le choix. Il faut bien que quelqu'un porte le chapeau, et si ça n'est pas toi ça sera lui."

 

"Ne t'y trompe pas Octave... Ton grand-père, ton père même, l'auraient fait tuer, pour avoir désobéi, pour t'avoir laissé mettre ta vie en danger."

"Il n'a presque rien bu! Il était déjà un peu ivre avant qu'on parte c'est vrai mais... Et puis, il n'a pas été avec des filles et a surveillé ma porte en toute circonstance."

"Ne le défends pas. Ca ne va pas l'aider... Prends sur toi de réfléchir aux conséquences de tes actes la prochaine fois. Fais le moi amener. Nu, enchaîné et dis à Catanno d'apporter le fouet en nerf d'hippopotame."

Octave a tout de même un frisson... ce fouet originaire d'Egypte était sans doute plus une arme qu'un moyen de punition... Pas moyen qu'un coup porté avec cette chose ne laisse pas une lacération profonde...

"T'es sûre que..."

"La ferme et dépêche toi! T'avais qu'à y penser avant!"

Octave s'en va, le pas lourd, la mine basse... Emilia se frotte les mains, elle a obtenu exactement ce qu'elle espérait : Octave ne remettra pas ses frasques de si tôt. Bon... Leonides est costaud, trois quatre coups de ce fouet ne le tueront pas, et il aura de jolies marques pour prouver qu'on ne rigole pas avec Gaia.

L'homme qu'on lui amène a le teint cendreux, moins à cause de la boisson qu'à cause du manque de sommeil visiblement. Il a les traits tirés, les yeux pleins de cernes violacés, et son regard est terne... Un affreux collier de galérien ceint son cou et la chaîne qui en part rejoint ses poignets devant lui, pour courir jusqu'à ses chevilles. Emilia se tourne un instant vers le mur, inspirant à fond... Elle se rend compte qu'elle n'a aucune envie de le punir, pas pour ça, pas comme ça... Mais certaines choses doivent être faites.

"Catanno? Dehors."

"Oui Maîtresse."

Catanno a eu l'air surpris. Le fouet d'hippopotame, c'est pas un truc que la domina fait elle-même, ça... Il s'attendait sans doute à devoir porter les coups... Il hésite, pose l'engin sur le bureau, puis quitte la pièce.

Elle se tourne à nouveau vers Leonides. Elle le scrute, cherchant à savoir ce qui se passe dans cet esprit hermétique... Il a baissé la tête... Et chose étonnante, c'est lui qui prend la parole en premier.

"Maitresse?"

"Hein? Quoi?"

Elle est surprise... Elle s'attendait à un mutisme impénétrable et voilà qu'il veut causer? Bizarre... Ou alors il va tenter de marchander? Mouais... pas son genre, il est capable de résister au fouet il l'a déjà prouvé... Ou alors il serait devenu une chochotte?

"J'ai failli. J'aurais dû parler à ton fils, l'empêcher de me suivre, refuser d'aller plus loin, je ne sais pas, l'assommer... j'ai failli. J'avais bu, j'étais heureux, j'ai laissé ma joie l'emporter sur mon jugement."

"Ca c'est clair... "

"Je ne voulais pas te décevoir... Tu m'as confié ton fils... Et j'ai échoué."

Il semble prendre la chose très à coeur, la tête basse, les épaules en berne.

"C'est un peu tard pour ça non?"

Il plie un genoux et le pose en terre, dans un cliquetis de chaines. Oh non, il va supplier qu'elle ne lui fasse pas de mal, quelle déception...

"Je ne demande pas ta clémence Maîtresse... Je mérite une punition, j'aurais dû trouver une solution pour ne pas risquer la vie de ton enfant. Je... Si tu ne me tues pas Domina... Je souhaite rester à ton service et réparer ma faute."

Alors ça... Non seulement il ne supplie pas mais en plus il réclame... Il a vraiment l'impression d'avoir fait une boulette?

"Arrête ton char à zèbres l'Egyptien... Octave est une punaise, il aurait réussi à se mettre dans cette situation avec ou sans toi, au moins, là, tu étais avec lui et tu lui as sans doute évité le pire. Tu seras puni, ne t'y trompe pas, mais le fautif, je ne suis pas stupide, c'est lui. Tu seras puni parce que je ne peux pas le punir lui et que les autres dans la maison doivent savoir que la vie d'Octave vaut plus qu'aucune autre ici. Mais je n'ai pas l'intention de te tuer, ni même de te déchiqueter à coups de fouet... De toute façon ce truc là est bien trop lourd pour que je porte plus de quelques coups avec, soyons francs."

Elle rit, soudain amusée par le ridicule de la situation.

"Non, ce qui me donne envie de te punir ça n'est pas que tu aies été à Subure avec mon fils... Tu sais ce que je veux de toi, pourquoi je t'ai acheté, c'est ça qui me donne envie de te..."

Elle serre un poing, puis étend la main à nouveau. Il hoche la tête, puis la regarde :

"Alors c'est ça ma punition, pas vrai? Mon honneur contre ton pardon?"

"Y doit y avoir de ça, oui..."

Il réfléchit, ses yeux fixés sur le visage de sa Maîtresse... Elle attend, la tête penchée sur le côté, elle regarde sa main, ce poing qu'elle a desserré, sa paume lisse, et l'anneau sigillaire qu'elle porte en l'absence de son mari, pour sceller les courriers officiels de la famille... Elle porte son regard sur l'homme, sent une bouffée d'énervement la saisir...

"Ne réfléchis pas trop longtemps, esclave."

Sa main part, sans même qu'elle réfléchisse au geste, la gifle claque sur la joue gauche, puis la main le prend à revers, le sceau griffe la peau, laissant une marque rouge. Il a sursauté, mais n'a pas lâché son regard. Pour un peu, elle jurerait qu'il lui tend la joue, pour qu'elle lui en colle une autre...

"Je te dirai ce que tu veux savoir Maîtresse."

"Eh ben, voilà. On avance. Par contre, je vais devoir te filer quelques torgnoles de plus et te caresser le cuir avec ce machin, pour la galerie. Les autres doivent croire que je suis une femme cruelle, sinon c'en est fini de leur obéissance."

Il regarde le fouet, et hoche la tête.

"Tu ne me feras pas bien mal, Maîtresse..."

Oh le... Attends un peu espèce de vantard! Elle ravale une remarque acerbe, et le fixe, il la défie du regard, il sourit presque, comme s'il se retenait.

"On verra ça."

 

"Debout!"

Elle a claqué des doigts, laissant paraître son énervement. Cet Egyptien est gonflé comme une outre en peau de chèvre! Elle a saisi le fouet et le déroule, ce n'est pas un fouet bien long, mais sa lanière de nerfs tressés est épaisse, et la pointe semble piquante comme un plat sicilien. Elle fait quelques mouvements du poignet, ça siffle dans l'air, elle adore ce bruit, et sourit.

Il s'est levé, et penche la tête en avant, exposant bien son dos, détendu, il n'a pas peur. Les nombreuses cicatrices sur sa peau bronzée font comme une carte marine, il a tellement pris de coups qu'il doit avoir la peau tannée comme du cuir... Elle décide de le prendre à revers, après tout, rien ne l'oblige à jouer à la régulière, hein? De toute façon il est si grand qu'elle aura du mal à bien viser ses épaules.

Elle enroule le fouet et le glisse entre les cuisses épaisses comme des troncs d'arbres, tapotant contre son genou.

"Ecarte les jambes. Encore! Voilà. Pas bouger!"

Il semble un peu surpris, mais obtempère, gêné par les chaînes, qu'il est obligé de tendre pour écarter les cuisses. Leur poids le fait vaciller, il doit chercher une position qui lui permette de conserver son équilibre.

La lanière encore enroulée glisse contre la peau de la jambe, Emilia le frôle, et le sent se tendre, il attend, mais il semble tout de même un peu inquiet ou tout du moins surpris... Tant mieux! Il n'a sans doute pas l'habitude qu'un fouet le touche dans ces endroits là... Elle déroule la lanière, la fait siffler un peu, savourant la brève contraction involontaire de l'homme, qui hésite à tourner la tête pour voir ce qu'elle fabrique dans son dos. Elle tapote l'arrière de son crâne avec le manche de l'objet, et dit :

"Ne te retourne pas. Tu n'auras pas bien mal, tu l'as dit toi-même!"

Il ne dit rien, et s'efforce de se détendre, elle l'entend expirer doucement. Elle frappe.

Le fouet fend l'air dans un long sifflement intimidant, mais il semble se passer une éternité avant qu'il ne touche la chair... L'homme doit sans doute penser qu'elle l'a raté, lorsque l'extrémité, pas plus d'une main de long, s'imprime dans la peau tendre juste sous sa fesse gauche. Il sursaute et lâche un juron, resserre les jambes, la chaine sonne.

"Tu vois? tu n'as presque rien senti!"

Elle rit, et ordonne :

"Reprends ta position, esclave!"

Il obéit. A présent qu'il sait où elle frappe, et comment, il pourra mieux supporter les coups. Il serre les dents, en penchant la tête de côté elle voit la ligne de sa mâchoire se contracter. Elle lève à nouveau le fouet...

Cette fois, elle a laissé du mou, la lanière s'enroule autour de sa cuisse comme une vipère et l'extrémité vient frapper comme les crocs du serpent, il doit se mordre la lèvre pour ne pas gémir. La douleur est cuisante, vive, brûlante comme un venin, et remonte dans sa jambe, jusque dans l'aine, ses muscles ont un tremblement involontaire, et à nouveau il resserre les jambes, d'instinct. Elle ne lui laisse pas le loisir de reprendre son souffle et frappe encore, cette fois, elle se décale et la lanière vient embrasse sa jambe dans l'autre sens, finissant sa course pile sous son testicule gauche, il expire violemment, et déglutit.

"Tu as peur? Je pourrais sans doute t'émasculer avec ce truc..."

Il ne dit rien, mais elle est sûre qu'en son fort intérieur il prie Bès de sauvegarder sa virilité...

"Ecarte les jambes, j'ai encore envie de jouer!"

Il met un temps avant d'arriver à se décider, cette fois... Lui, il ne joue plus...

 

Il doit bien l'avouer, il douille... Emilia le frappe à des endroits qu'il n'aurait pas imaginé possibles d'atteindre facilement, et d'une certaine façon il doit reconnaître qu'elle a du talent. et sans doute une longue expérience... Il risque, entre les dents, un commentaire timide.

"Tu sais où faire mal, avec cette chose, Maîtresse, c'est du travail de.... "

Il expulse l'air de ses poumons avec un grognement quand le fouet s'enroule autour de sa jambe droite sans prévenir, elle a changé de côté et il ne l'a pas entendue bouger.

"...Précision..."

"C'est mon père qui m'a appris. A manier le fouet, à me défendre avec un dague, si nécessaire. Mon frère était trop maladroit pour ce genre de choses, à son grand regret. Alors il m'a enseigné comment punir et récompenser mes esclaves de façon efficace."

Elle lève le fouet, elle a changé de main pour le manier, et ça ne change rien à sa précision. La lanière siffle et tournoie, autour de la hanche de l'homme, l'extrémité fait cliqueter la chaîne qui passe sur son ventre, il gémit sous le coup.

"Ma mère m'a appris tout ce que je devais savoir pour tenir ma maison. Mon père m'a appris tout le reste, ce qui fait qu'un maître de maison est le maître chez lui, ce qui fait que ses esclaves lui obéissent et le servent... Mon mari n'a pas réellement prise sur ses esclaves, c'est à moi qu'ils obéissent."

Elle ne se vante pas, elle constate. Elle est Gaia, la domina de cette demeure, et elle sait très bien comment maintenir son autorité, chaque geste est calculé, comme si elle dirigeait un petit pays...

Elle concentre les deux coups suivants sur les fesses, reculant et se plaçant côté, pour limiter l'enroulement du fouet, elle veut des marques bien nettes. Après tout, il faut que les autres aient un beau spectacle à voir, quand l'Egyptien sortira. Elle fait claquer le fouet deux fois de plus, et cette fois, une ligne rouge vif apparait juste là où le bout a fendu la peau. Un minuscule collier de perles sanguines sourd de la très fine plaie. Il a gémi, mais pas assez fort. Elle vise plus haut, la ligne entre les fesses et le dos... Il lâche un juron, elle ricane :

"Tu devrais crier, esclave, ça mettrait fin à ton calvaire, si tu gueulais un peu... Je ne peux pas te laisser sortir d'ici sans que tu aies au moins crié un peu, que vont penser les autres? Que mon bras à ramolli?"

Il a exactement la réaction qu'elle espère : il serre les dents, ravale son air et écarte les jambes, se campant fermement dans l'attente du prochain coup. Elle se retient de rire, tant il est prévisible.

"Penche toi en avant et pose tes mains sur le bureau."















Par Kireseth - Publié dans : Domina
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Dimanche 26 février 7 26 /02 /Fév 18:45



Elle a vite mal à la main... Et lui a à peine les joues rouges. Bon, si, là, il y a une toute petite marque, trois fois rien, là où sa bague a griffé la joue.

"C'est frustrant"

"Alors frappe moi plus fort, avec quelque chose. L'exercice physique te fera le plus grand bien Domina. Tu es trop préoccupée pour dormir. Fatigue ton corps et ton esprit suivra."

"Mais c'est qu'il se prend pour mon Medicus à présent, lui. Debout. Et passe moi ma brosse à cheveux"

C'est une belle brosse, en bois odorant, qui vient de Macédoine. Son dos est plat, son manche bien proportionné. Il se tient debout devant elle et avant qu'elle ne demande, se tourne, pour lui présenter son dos.

Elle fait claquer la brosse sur son postérieur. Il n'a visiblement pas senti grand-chose, tressaillant à peine. Elle frappe plus fort, et à chaque coup, déplace la brosse pour trouver des points plus sensibles, un peu en vain... Et comme il porte sa tunique, elle ne peut même pas viser ses zones favorites, entre les cuisses...

"Toujours aussi frustrant"

Elle étire les muscles de son cou, penchant la tête, à gauche, à droite...

"A genoux sur le lit, comme une femelle avant la saillie. Je veux voir tes fesses."

Il obéit, sans dire un mot. Quand il promet de la laisser se défouler, il tient sa parole. La tunique est un poil trop longue et camoufle encore sa cible... Il semble lire dans ses pensées, et la relève, venant coincer l'ourlet sous sa ceinture de corde. Il écarte un peu les jambes, et offre sa chair la plus tendre. Remarque, cette fois elle n'est armée que d'une brosse, pas d'un fouet en nerfs d'hippopotame...

Le souvenir cuisant de la correction qu'elle lui a infligée ce jour là lui fait vibrer l'échine : elle a adoré ça... Elle lève la brosse, et l'abat, plusieurs fois, variant les angles, sur les deux cuisses massives comme des troncs. Cette fois, il lâche un soupir un peu contraint. Ca devient intéressant.

"Retire tes sandales, tu vas me mettre de la poussière sur le lit"

Il s'exécute docilement, sans un mot, mais pour le coup, il a l'air un peu moins rassuré qu'avant. Comme si elle en avait quelque chose à faire d'un peu de poussière, alors que son mur dégouline encore de jus de mûres...

 

Il a raison de se méfier, c'est évident. Le premier frôlement de la brosse sur la plante de ses pieds confirme ses craintes. Un frisson parcourt ses cuisses, et les poils de ses jambes se dressent. Elle saisit sa cheville, et pose le dos de la brosse pile dans le creux de son pied, juste posée, comme ça... Un court instant, il espère qu'elle bluffe. Puis elle lève l'objet, et l'abat. Un coup, sec. Il grogne. C'est douloureux, même si c'est supportable, mais il y a cette sensation de gêne qui persiste après le coup. C'est comme s'il avait marché sur un carrelage trop chaud aux bains.

Elle jubile, elle. Elle glousse :

"Oh, j'adore, c'est nouveau, ça. Je vais y prendre goût!"

Elle recommence, plusieurs petits coups très rapprochés, pas très forts, elle ne veut pas qu'il ait du mal à marcher, et puis, elle n'aura pas la force de retenir son pied s'il rue dans les brancards. A chaque coup, une vague frissonnante remonte dans ses jambes, s'achevant en un grommellement indistinct.

"Quelque chose à dire?"

"J'espère que Domina s'amuse bien."

"Eh bien, oui, pour tout dire."

"Tant mieux alors.. Hmpff..."

Elle a profité de ce qu'il se détendait pour le prendre en traître. Vicieuse, elle passe à l'autre pied, ne se donnant même pas la peine de le retenir par la cheville : il sursaute, et par réflexe fait le geste de rouler sur le côté. Il se reprend pourtant. Il n'a pas envie de lui faire ce plaisir, n'a pas envie d'esquiver. Elle ricane, et remet un coup sec, plus fort, il est obligé de serrer les dents pour éviter de retirer son pied. Elle s'acharne, méchamment : les coups pleuvent, serrés, du talon aux orteils, et sans prévenir, elle change, d'un pied à l'autre. Elle sifflote soudain un air, et il reconnait le dernier hymne à la mode, une chanson paillarde, une musique gauloise... Elle lui frappe les pieds en cadence... Il n'arrive plus à se retenir, et ses pieds bougent tout seuls, tentant d'échapper aux coups, alors qu'il éclate de rire.

Par Kireseth - Publié dans : Domina
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