Mercredi 25 mai 3 25 /05 /Mai 17:57


Le marché, place de l'empereur Caspien, à l'heure où le soleil commence à décliner, après la sieste. Elle marche entre les étals, vêtue de sa stola couleur prune, un simple voile sur ses cheveux tressés et enroulés en un chignon épais. Elle n'est pas seule, bien sûr, avec elle, deux gardes et une femme, qui porte un panier immense déjà bien plein de victuailles, ainsi qu'une oie dodue, pendue à une cordelette.

Soudain, un sifflement, suivi d'un coup, qui la fait sursauter. Là, devant, au centre de la place, un homme est attaché de face, à un poteau, son dos zébré de traces sanglantes, et un autre le fouette, avec un nerf de boeuf. Elle est allée assez souvent au cirque pour reconnaitre dans le tortionnaire l'entraineur d'une des plus grandes équipes de gladiateurs de la cité, Tellius. Un regard un peu plus appuyé à l'homme attaché, et elle reconnait Leonides, le Fils du Lion, un esclave égyptien, la coqueluche de ces dames, le héros des foules, le gladiateur le plus en vue de tout le cirque de Rome.

Tellius, visiblement en rage, harangue la foule :

"Fils de lion, mon cul! Fils d'une chienne galeuse oui! On les élève, on les nourrit, on les bichonne, on les traite mieux que ses enfants et ça vous trahit à la première occasion! Tiens, prends ça, espèce de lavette! Fils de porc!"

Le bras se lève à nouveau et frappe encore, mais le gladiateur enchainé ne bronche qu'à peine, il faut dire que Tellius l'a déjà bien assez entamé pour qu'il commence à perdre connaissance. Il dodeline de la tête, la relève, un bref instant, et croise du regard la Domina. Il la fixe, elle ne sait pas trop s'il la voit vraiment, mais il la fixe...

Au coup suivant il ferme les yeux et sa tête bascule à nouveau. Elle renifle... Tripote la ceinture de sa stola... Lance un ordre bref et fonce vers Tellius, toutes voiles dehors.

"Qu'a-t-il donc fait pour que tu lui arraches la peau du dos en fines lanières, Tellius?"

"Ca te regarde, femme?"

Un des gardes tousse, et s'avance :

"On parle autrement à Emilia Domitia du clan des Gaius"

"Gaia? Vous êtes la Gaia? Celle qui nous a envoyé les paniers de fruits l'an dernier?"

"Oui, c'est moi. J'apprécie le spectacle d'un bon combat de temps à autres et quand j'aime je le fais savoir.Alors, tu réponds ou pas, Tellius? Explique moi la raison de ce...spectacle bien moins réjouissant."

"Ce fils de p...euh...De chienne... a refusé de tuer son adversaire hier! Quatre ans qu'il combat pour moi et d'un coup, voilà qu'il se met à avoir des remords comme une fillette? J'ai investi des sommes colossales pour le faire former à toutes les armes possibles, à le faire soigner, à lui donner tout ce qu'il désirait, et ce...ce... se permet de me faire faux bond? Il n'est plus bon à rien! Autant le crever moi-même, plutôt que de le laisser crever dans l'arène! Au moins ça me défoule!"

"Hum... Quatre ans, tu charries Tellius : je connais tes tarifs pour faire combattre tes hommes, tu as dû largement y gagner, en quatre ans."

"Mais Domina! Vous n'imaginez même pas ce que ça mange un gaillard comme ça, et puis il y a les soigneurs, les armes neuves à chaque combat, les entraineurs, les larbins pour lui servir de partenaire à l'entrainement, et les filles...les filles! Il a un appétit d'âne en rut, quand il s'agit des filles de Subure! Il m'a coûté une véritable fortune rien qu'en putains!"

Le garde tousse, et Tellius rougit, soudain conscient de s'être laissé emporter dans son élan, du moins question vocabulaire.

"Pardon Domina, mais ça me met hors de moi. Tout cet argent et ce temps gâchés, parce que môssieur se découvre une conscience..."

Elle mâchonne son voile, et observe l'homme affalé sur le poteau, il a sans doute perdu connaissance pour de bon...

"Vends le moi. Il sait combattre, j'ai toujours besoin de gardes pour mes biens."

 

Ils sont trois à tirer la tronche là : d'abord les deux gardes qui ne voient pas d'un bon oeil la concurrence, et Tellius, qui se récrie :

"Domina! C'est pas un homme comme il faut pour servir de garde à une dame comme vous! C'est un sauvage, une bête, un animal, un..."

"Eh bien nous l'attacherons dans le jardin avec une chaine et il fera peur aux curieux... au pire, on mettra un panneau pour avertir les passants : Cave Hominem! ca sera drôle. Et je suis sûre que s'il sait où est son intérêt, il ne fera pas l'imbécile... Il fera un garde parfaitement convenable. Et puis, c'est pas comme si ces deux là avaient fait l'école du savoir vivre hein?"

Elle hausse les épaules en regardant les deux hommes qui l'encadrent et cachent leur colère soigneusement.

"Mais Domina..."

"Tsst! Tellius, dis moi un prix qu'on en finisse! Je veux pouvoir crâner devant mes amies en leur présentant Leonides, le vrai, le seul et l'unique. Et il sera à moi!"

Tellius ricane. Oui, ça c'est une bonne raison pour une matrone romaine d'acquérir un gladiateur : en fiche plein la vue à ses copines. Il se frotte discrètement les mains et annonce un prix qui fait hoqueter la servante. La dame, elle ne cille même pas. Par contre son visage se tord en un sourire narquois :

"Tellius? Je ne paierais pas ce prix même s'il chiait des crottes en or incrustées d'émeraudes! Sois un peu raisonnable et cesse de te faire passer pour plus bête que tu n'es, ya des gens qui nous regardent là..."

"Domina! Il faut bien que je rentre dans mes frais! Je peux baisser le prix, mettons... 80 pour cent du total, mais pas moins! Sinon autant l'achever tout de suite, hein? Ca reviendrait au même."

"Au même? tu rigoles? Achève-le et tu ne gagneras pas un sesterce,  vends-le moi et au moins, tu ne repartiras pas les mains vides. La moitié, pas un sou de plus."

"La moitié, Domina! tu veux ma ruine! Je gagnerais plus à vendre ses restes comme bouffe pour les clodos! Les deux tiers!"

"La moitié j'ai dit. Mais je te promets d'envoyer un panier de fruits frais de mes vergers à la prochaine lune, pour tes hommes et toi."

"Bon... mais... Deux paniers alors! Et l'affaire est conclue."

"Deux, d'accord! Ca marche."

Tellius crache dans sa paume et la tend à la femme, longue habitude de commerçant, et avant qu'il ne réalise que le geste est déplacé, elle lui a déjà serré la main fermement, avant de faire signe aux gardes :

"Payez-le, et détacher moi ça de son poteau, là, il va sans doute falloir le trainer jusqu'à la maison."

Effectivement, il faut le traîner, et les deux gardes geignants et soufflant en portant l'immense carcasse, sous les regards curieux des badauds, témoignent combien l'homme est massif... Pas une once de gras, que du muscle, sous une peau couturée de cicatrices. En arrivant à la maison de Gaius, son auguste et bien heureusement souvent absent époux, la femme ordonne sèchement :

"Confiez le à Taïs, qu'elle le requinque. Il devra être sur pieds dans trois jours pour le banquet des Jeux de Céres... Quoi de plus adapté qu'un gladiateur pour fêter les Jeux du Cirque?"

"Bien maîtresse."

Les deux hommes ronchonnent et reprennent leur labeur, comme deux boeufs de trait, un bras chacun... La servante a filé dans les cuisines avec son panier, et déjà, Taïs arrive, échevelée, haletante :

"Emilia!!! Dis moi que ce que cette gourde raconte est faux! Tu n'as pas rapporté ce...pourceau puant dans ta maison, ma fille, n'est-ce-pas?"

"Ah si, je l'ai fait et même que tu vas me le guérir et me le remettre sur pieds! J'ai un merveilleux trophée à présenter à ces vautours de Julii, elles en resteront bouche bée! Je savoure d'avance leur air déconfit, elles qui espéraient sans doute crâner parce que leur père a pris des parts dans une équipe obscure de gladiateurs destinés à perdre... Moi j'en ai un, rien qu'à moi, un vrai! Et pas n'importe lequel, le premier à avoir passé une année sans défaites depuis des lustres! On n'a pas vu ça depuis le règne de César et Titus Pullo! Et ça date de ma grand-mère!"

La matrone tape des mains et s'affale dans un siège, alors que son ancienne nourrice et gouvernante se décompose...

"Emilia... un jour, ta folie te perdra, ma fille, qu'Isis te protège... Et ton mari que va-t-il dire de tout ça?

"Tu rigoles? il adore Leonides, il sera ravi de lui faire raconter ses histories d'arène des heures durant, crois-moi, je le connais ce sombre crétin, il n'y a pas mieux pour lui faire plaisir. Allons Taïs! Va donc voir mon nouveau jouet et fais moi le plaisir de me le requinquer au plus vite! Il a pris cher, il a la peau du dos en confiture... Tu crois que ça pourra guérir en si peu de temps? Sans doute pas... C'est dommage de le montrer le torse bandé comme un bébé emmailloté, ça gâche un peu, mais... l'histoire est bonne malgré tout, ça compense!"

La première à venir aux nouvelles, c'est bien entendu Marcella. On raconte que même l'empereur aurait un service de renseignements moins efficace et que parfois elle lui rapporterait des nouvelles croustillantes de ce qu'il se passe dans son propre palais. Bref, Marcella est sa meilleure amie, à elle, depuis l'enfance. Elles étaient voisines, et avaient toutes les deux étudié sous la houlette du même précepteur grec. Marcella vit à présent à quelques pas, sur les bords du Tibre, près de la via Flaminia, elle est mariée à un général qui lui aussi préfère de loin l'Afrique aux charmes de Rome.

"Marcella! Pourquoi est-ce que je ne suis pas étonnée de te voir? Tes sbires ont mis combien de temps pour te rapporter la nouvelle, hum? Moins d'une marque de clepsydre à ce que je vois."

"Alors c'est vrai? C'est bien Leonides que tu as acheté? Je n'y ai pas cru tout d'abord, puis je me suis dit que tu n'achèterais sans doute rien de moins prestigieux que celui-là, tant qu'à faire. tu l'as vraiment payé trois mille sesterces?"

"Trois mille? mais non, bien moins que ça! Décidément les rumeurs vont déjà bon train... C'est fâcheux, je voulais faire la surprise aux Julii à la Fête des Jeux du Cirque. Si toute la ville est au courant, c'est rapé."

"Mais tu rigoles! J'en ai parlé à personne, je suis une tombe. Ou tout du moins je ne révèle mes informations que si j'y gagne quelque chose! Crois-moi bien que même si je suis au courant, personne d'autre ne l'est. Il n'y a qu'une vague rumeur qui court, sans plus, qu'une femme de la haute aurait acheté un esclave en fuite pour le sauver de la mort. Je vais d'ailleurs faire en sorte qu'on soupçonne cette dinde de Percella, et tu seras tranquille jusqu'aux calendes grecques!"

"Ca me rassure. Je me fais une joie de voir ces gourdes de Julii se décomposer en voyant mon Lion du Désert en chair et en os!"

"Tu as fait l'achat du siècle, on raconte que ce type a une..."

Marcella fait un geste sans équivoque, après s'être assurée que personne ne laissait trainer d'oreilles indiscrètes. Enfin, personne d'important, les esclaves ça ne compte pas.

"Immense je te dis, et surtout, il paraitrait que même une fois qu'il a..."

Encore un geste, plus...explosif celui-là, pas loin d'évoquer l'éruption du Vésuve à Pompéi, l'année passée...

"Eh ben figure toi qu'elle reste droite! Celle de mon mari dégonfle comme une vessie de porc crevée, et la sienne, elle resterait droite comme une colonne de marbre, prête à servir encore!"

"Marcella! Arrête un peu! Ca n'est pas pour ça que j'ai acheté ce gladiateur, tu es incorrigible."

"Quand il te tronchera comme une catin de Subure tu chanteras une autre chanson ma vieille... Ca pourra pas te faire de mal après ta limace de mari, tiens. A ce propos, il va comment ton gouverneur de Cathage? Toujours aussi malade en mer? Tant mieux, comme ça il te fiche une Pax Romana!"

"Je n'ai pas l'intention de me faire...troncher comme tu dis, par qui que ce soit, encore moins par un esclave, mon mari va bien, il m'a envoyé ses cinq lignes mensuelles pour se plaindre de la chaleur et m'assurer qu'il attend avec impatience l'été de l'an prochain pour rentrer."

"Et le petit Octave? Comment va mon filleul chéri?"

"Octavius Gaius a rejoint l'académie Vinctus, il perfectionne ses compétences équestres et martiales, comme tout bon patricien. Mais il va revenir pour les fêtes, il doit être présent aux Floralies, pour rencontrer sa future compagne, Altina Percella Minor."

"Quoi? Tu vas lui faire épouser la fille de Percella? Ah, mais quelle horreur! Si seulement j'avais eu une fille et pas trois garçons, il serait devenu mon gendre et n'aurais pas eu besoin de se marier avec la fille de la pire volaille de tout Rome."

"Altina ne ressemble pas à sa mère, elle est gentille, et loin d'être bête. A croire que ça saute une génération à chaque fois, l'esprit, dans cette famille... Je devrais plus me poser de questions pour leur progéniture à venir..."

C'est Taïs qui les interrompt : elle porte un plateau de délicieuses dattes fourrées, qu'elle pose sur un guéridon de jonc tressé, de facture égyptienne, et annonce :

"Le...l'esclave est réveillé, Maitresse, et il s'en tirera, je pense, ses blessures sont impressionnantes mais loin d'être graves, c'est juste qu'on ne lui avait rien donné à manger depuis plusieurs jours. Il parait que les gladiateurs sont plus féroces le ventre vide. Celui-là semble surtout bien plus mal en point."

"Eh bien, ne reste pas là et nourris le! Qu'il reçoive tous les soins nécessaires pour être sur pied et alerte dans trois jours. Tu vois Marcella, ma vengeance envers les Julii est en marche! Elles vont être vertes de jalousie."

"Emilia, rappelle moi de ne jamais t'avoir pour ennemie. Autant je suis toujours au courant de tout, autant tu es bien plus vile que moi quand il s'agit d'intriguer."

 

Trois jours plus tard, les festivités des Jeux du Cirque dédiés à Céres, Déesse de l'agriculture et de la Nature, battent leur plein. Les édiles de la plèbe ont battu le rappel des habitants des quartiers populaires et leur ont octroyé comme ont dit si bien : du pain et des jeux. Enfin, surtout du vin, et des jeux,d 'ailleurs, pour être précis. Ces dames bien entendu ont fait une brève apparition au Cirque Maximus, sous bonne escorte, et juste pour une heure ou deux, il aurait été malséant d'en faire plus. Emilia ne se fait aucun souci pour sa "surprise", les sbires de Marcella ont effectué leur tâche de désinformation à merveille : tout le monde ne parle que de l'esclave en fuite que Percella a pris sous son aile, par amour dit-on, ou encore parce qu'il la fait chanter. Elle a eu beau nier, rien n'y fait, la rumeur est la plus forte. Elle est tellement décomposée la pauvre qu'elle ne s'est même pas montrée pour les Jeux, sans doute qu'elle se sent coupable, pas vrai? Les Julii fidèles à leurs habitudes, sont les premières à médire.

Emilia s'évente avec une branche de palme, évitant soigneusement les bouchées aux anchois proposées par les vendeurs à la sauvette, elle tient à l'équilibre de son estomac... Les combats semblent plus ennuyeux cette année... Sans doute parce qu'elle a hâte de faire éclater sa petite bombinette privée, ce soir. Elle tourne et retourne son projet dans sa tête comme on roule un bonbon dur sous sa langue pour en savourer le goût. Ah oui, les germains ont raison : la meilleure forme de plaisir est celle qui consiste à profiter du malheur des autres.

Enfin, il est temps de rentrer et de mettre la dernière main aux préparatifs de la fête : il faut veiller à ce que le buffet soit bien garni, que les lits du Sigma soient bien recouverts de coussins moelleux, puis se changer... Elle sait déjà comment elle va se faire coiffer, une tresse enroulée autour de sa tête, les cheveux frisés en dessous, et le tout orné de feuilles de fraisiers et de petits fruits en verre rouge. Mais que va-t-elle porter avec cela? Du blanc, c'est évident, on ne porte que du blanc pour la fête de Cérès. Mais la robe blanche bordée d'or? Ou celle rebrodée de perles nacrées? A voir...

En rentrant, elle a la surprise de voir le gladiateur assis sur le parapet du Compluvium, en train de prendre le soleil. Il se lève quand elle arrive et elle ne peut s'empêcher de lâcher un :

"Foutre de Jupiter, qu'il est grand!"

En fait, il la dépasse de près de deux têtes. Jamais elle n'avait réalisé sa taille, ne l'ayant toujours vu que de loin, et puis couché ou recroquevillé... Il est immense et lui cache le soleil de ses épaules aussi larges que la Porte d'Ostie. Taïs l'a drapé dans un pagne immaculé, ses pieds sont pris dans des cothurnes de cuir épais sans doute faites sur mesure, personne ne chaussant aussi grand dans la maison. Et, détail qui aurait pu paraître incongru ou laid, mais qui en fin de compte ne fait que renforcer l'effet dangereux de l'homme, il a le torse ceint d'un bandage blanc serré, dont juste une bande entoure son épaule pour le maintenir en place. Emilia sourit : la mise en scène est parfaite : la peau de l'homme est huilée, et brille au soleil, et alors qu'elle le contourne pour l'observer à loisir, elle constate que Taïs a omis de recouvrir une partie des blessures de son dos, le montrant zébré, brut... Elle sourit de toutes ses dents.

"Tu seras le joyaux de la soirée, gladiateur. Va, cache-toi et attends que Taïs vienne te chercher."

Il semble hésiter, va répliquer... Mais en fin de compte, il obéit. Après tout, il est habitué à être montré comme un animal de foire, c'était son lot quotidien au Cirque. Rien ne change. Sauf son propriétaire.

"Bien Domina."

 

Le soir arrive et les convives aussi, uniquement des femmes de la haute société romaine, escortées de leur petit personnel. On les fait entrer au son des sistres et à la lueur de grandes torches fleurant bon les huiles parfumées. Avant toute chose, après les salutations hypocrites d'usage, la troupe se dirige vers le petit autel familial où, au milieu des lares, se dresse une éphémère statue de Cérès l'Abondante. Emilia, en sa vertu de maitresse de maison, lui fait l'offrande de fruits et de farine, ainsi que de quelques gouttes de vin et d'huile d'olive, avant de laisser chaque convive se recueillir devant l'image sacrée de la Déesse. Enfin, elle fait passer une coupe de vin au miel, dans laquelle chacune des invitées trempe les lèvres, pour sceller la paix entre elles, symboliquement tout du moins.

Il est temps de se rendre à la salle à manger, où les divans sont disposés en arc de cercle. Emilia, très au fait des usages, guide les deux soeurs Julii aux extrémités, réservées aux hôtes de marque. Elles sont du sang de Caesar, il parait que c'est important... Dommage qu'elles n'aient pas hérité de sa cervelle au passage. Enfin, les autres convives ayant pris place, elle s'installe au milieu de l'arc de cercle et tape des mains, pour annoncer le début du repas. La Gustatio d'abord, se compose de moules fraiches et de coques, assaisonnées d'une sauce qui vous arrache le palais. Après un  bref intermède musical, la Prima Mensa, qui met à l'honneur les viandes printanières : lapin, agneau de lait rôtis, ainsi que divers oisillons cuisinés au miel, et au safran, le tout accompagné de salades vertes, piquantes, de légumes en gelée, et d'un potage au basilic frais. Emilia mange pue, tendue... C'est lors de la Seconda Mensa qu'elle espère faire son coup d'éclat, alors que les langues se seront déliées et que les palais excités par les saveurs sucrées et poivrées des fruits et des pâtisseries réclameront force boisson. Une fois un peu imbibées, les convives ne pourront plus tenter de masquer leurs réactions devant son achat... elle jubile par avance. Et justement, alors que Taïs et les esclaves de cuisine apportent les premiers gâteaux ainsi qu'une montagne de petites fraises sauvages mûries au soleil du sud, voilà que la plus âgée des Julii se vante déjà que leur équipe n'a pas démérité. D'ailleurs, un des gladiateurs s'est même qualifié pour une finale, qu'il n'a perdue que de très peu, le public lui laissant la vie sauve pour sa peine. Looser...

Elle grignote un petit gâteau, et hèle Taïs de la main, avant de lui chuchoter à l'oreille d'aller chercher le "cadeau" de ces dames. Taïs ne peut réprimer un sourire mesquin... Elle sait combien Emilia a eu à souffrir des méfaits des deux soeurs et sa façon de se venger, aussi peu orthodoxe qu'elle soit, lui plait.

"Mesdames, je suis ravie de pouvoir vous présenter ce soir un spectacle hors du commun. Non, pas de danseurs insipides ou de musiciens ennuyeux! Non! Ce soir c'est la Fête des Jeux! Ce soir, nous allons avoir un gladiateur!"

Les femmes la regardent, l'air un peu surpris, puis intéressé, les Julii toutes les deux font déjà une moue hautaine, à la fois flattées et amusées d'être ainsi imitées... Mais elles déchantent dans la seconde :

"Je vous donnes, mes chères amies, le Lion du Désert, le Fils de la Lionne Sauvage! Le seul et unique vainqueur de toute l'année passée, qui prend une retraite bien méritée après tous ses exploits, et qui a bravé la mort plutôt que de tuer un seul adversaire de plus que ce que les Dieux lui auraient commandé! Mesdames : Leonides!"

Il entre, soigneusement éclairé par les torches, afin que sa peau brille de mille feux et qu'on voie ses muscles jouer à chacun de ses mouvements. La mise en scène est parfaite. Et les Julii verdâtres. Il s'approche de la plus âgée, et s'incline avec déférence, son poing frappant son épaule. Il a bien appris son rôle, ma parole. Pas si bête, le sauvage, en fin de compte. Elle renifle, tentant de se remettre de sa déconvenue, tandis qu'il recule avant d'aller saluer sa soeur. Soudain, il se fige, dans l'intervalle entre deux battements de coeur, et fixe Julia Minora. Elle blémit, puis rougit furieusement, avant de simuler une quinte de toux bien à propos pour cacher son visage écarlate dans ses voiles. Le gladiateur se détourne, et s'incline devant sa maîtresse, laquelle a le cerveau en ébullition... Et Marcella qui lui chuchotte :

"On dirait bien que les rumeurs étaient fondées... Minora semble apprécier les jeux du cirque d'une autre façon que nous..."

Emilia se contente de hocher la tête, et se promet de tirer cela au clair, au plus vite...

 

Elle devra attendre le départ de toutes les invitées, heureusement accéléré par l'envie pressante de rentrer des deux filles de la Gens Julii. Elle se précipite dans les quartiers des esclave en beuglant de façon absolument pas matronale : "Leonides! Viens ici!"

Il sort de la petite pièce où dorment les malades, baissant la tête pour ne pas se cogner au chambranle, et la regarde, sans dire mot.

"Tu connais Julia Minora!"

"Euh.. Non, Domina, je ne connais pas de Julia Minora, non."

"Ne mens pas, j'ai vu comment tu l'as regardée, et comment elle t'a regardé surtout."

"Ah cette dame là? Oui, celle là je la connais, un peu, mais j'ignorais son nom."

Emilia inspire à fond, et lâche le morceau, fébrile :

"Tu as couché avec elle."

"Non Domina."

"Oh toi ne me mens pas! Sinon je te ferais regretter de ne pas être mort sous les coups de Tellius! Tu as couché avec elle, elle n'aurait pas rougi comme ça sinon."

"Domina, il arrive parfois que des dames de la haute viennent s'encanailler avec des gladiateurs, j'dis pas... Mais je ne saurais pas te dire si celle là en fait partie, ma mémoire des visages n'est pas bien bonne, puis bon, c'est pas vraiment la tête des filles que je regarde quand je..."

Il termine sur une toux un peu étranglée, étouffant un terme juteux pour décrire la chose. Emilia tape du pied :

"Ne fais pas le malin, espèce de grand sauvage. Tu l'as très bien reconnue, assez pour t'arrêter sur elle, et les Dieux savent que ce n'est pas le genre de fille sur lequel on se retourne en pâmoison, grande et sèche comme elle est. Je veux savoir le moindre détail, Leonides, ou je te le promets, tu finiras les tripes à l'air pendu par les pieds!"

Leonides scrute le visage déformé par la rage de la femme qui le menace. Elle mesure à peine un mètre quarante et pourtant quelque chose dans sa voix et dans ses yeux la rend étrangement dangereuse, comme un animal enragé, une haine virulente...

"Elle t'a fait quoi l'autre asperge pour que tu lui voues tant de rage?"

Emilia grimace, hésitant à l'envoyer paître... Mais au fond, il sera peut-être enclin à l'aider après ça...

"Elles ont fait courir des bruits, sur moi et sur un de mes amis. Elles ont prétendu que mon fils serait le sien et non celui de mon mari. Mon mari furieux a fait tuer mon ami pour cela, même si d'apparence il semble avoir fait une chute de cheval. Je sais qu'il l'a fait tuer de jalousie. Et pourtant, jamais il ne m'a touchée, et mon fils ressemble bien trop à son père à présent qu'il a grandi pour qu'on puisse avoir le moindre doute. Je les hais, ces vipères, et je n'aurai pas de répit tant qu'elles n'auront pas mordu la poussière du pavé de Rome! C'est pour ça que j'ai besoin de savoir si tu as couché avec Minora, et les détails avec. Tu m'apportes une vengeance sur un plateau d'argent..."

Leonides passe sa main sur son front :

"On m'avait fait promettre de ne rien dire... Tellius a touché beaucoup d'or pour que je ne parle pas, et il s'est bien occupé de moi, j'ai eu tout ce que je voulais."

"Sauf que Tellius n'est plus ton maître. C'est moi qui te possède à présent et tu me dois obéissance."

"Ca c'est pas faux Domina..."

Emilia soupire, et se frotte la nuque qu'elle a bien raide tant elle est tendue depuis la fin du dîner.

"Laissons ça pour le moment, nous en reparleront demain et tu me diras tout ce que j'ai besoin de savoir. Tu as la nuit pour y réfléchir, si tu refuses de parler je te ferai tuer, c'est aussi simple que ça."

"Je n'ai pas envie de mourir Domina"

"Je sais bien, c'est bien la raison pour laquelle je t'ai acheté : tu n'avais pas envie de mourir, ça se voyait dans tes yeux. Penses-y, Leonides..."

Elle se détourne et se dirige vers l'atrium, pour se rendre dans ses quartiers privés. L'esclave reste là, à la regarder partir, les bras ballants...

 

Elle rentre à sa chambre, dépitée... Ce sauvage ose lui tenir tête? Elle échafaude déjà mille supplices pour lui faire regretter de si mal lui rendre les faveurs qu'elle lui a faites. Quoi? Elle l'a sauvé non? L'a soigné, nourri, logé! Grâce à elle il mène une vie de château, sans aucun risque... Tout ce qu'elle lui demande c'est une toute petite information de rien du tout! Sale chacal égyptien... Ingrat!!

Elle en est là de ses imprécations quand Taïs vient l'aider à se préparer pour la nuit. La gouvernante secoue la tête, mais ne dit rien. Cependant, sa maîtresse sent bien que sa vieille compagne a quelque chose sur le coeur.

"Quoi?"

"Pardon Domina?"

"Arrête ton char, Taïs! Tu ne dis rien, et quand tu ne papotes pas comme une cohorte de pies c'est justement que tu as un truc important à dire!"

"Mais, Domina!!! Une cohorte de... "

"Et encore, j'aurais pu dire une légion. J'ai modéré mes propos... Ne fais pas l'offensée, et dis-moi ce que tu as à dire."

"J'ai entendu ce que Domina a demandé au jeune gladiateur... Et je...je pense, mais je me trompe peut-être, que Domina... n'a pas tout à fait l'approche la plus efficace du problème..."

"Hein?"

"Tu t'y prends mal, Maîtresse."

"Ah bon? Tu vas me dire comment commander mes esclaves à présent?"

"Noooooooon, c'est pas ça... Maîtresse sait commander, c'est évident. Mais... Cet esclave là, ça n'est pas encore le tien, pas tout à fait. Il..ne te connait pas encore, il reste assujetti aux règles apprises au Cirque, où sa vie dépendait de son silence concernant les affaires...douteuses."

"Pas faux... Mais il va apprendre à me connaître, crois-moi."

"C'est une tête de bourrique égyptienne, Domina. Si tu te confrontes à lui directement, il te tiendra tête comme à un adversaire à l'arène. Et il préfèrera mourir que perdre son honneur. Il serait peut-être plus...judicieux... de te montrer moins intransigeante et plus subtile."

"Subtile? Que veux-tu dire par là?"

"Ne combats pas le Lion, mais dompte-le."

Emilia se renfrogne, mâchonnant une mèche de ses longs cheveux que Taïs peigne soigneusement, un geste répété des millions de fois depuis son enfance la plus tendre... La Domina réfléchit.

Le lendemain, elle le fait convoquer avant même le chant du coq. Impatiemment, elle fait les cent pas dans l'atrium, tortillant entre ses doigts une feuille de palmier.

Il s'incline quand il la voit, et reste un peu en retrait, la mine opaque, indéchiffrable. Une attitude qui bien souvent lui a servi à dérouter ses adversaires.

Elle décide de marquer de la distance, et s'asseoit, dans un fauteuil d'osier large et confortable. Elle tapote l'accoudoir de ses ongles trempés dans du henné, une délicieuse pratique venue d'Egypte, et renifle.

"Tu es un serviteur loyal... Même si ta loyauté, là, tout de suite, m'ennuie au plus haut point, je dois reconnaître que tu es un esclave honnête et loyal."

"Si Maîtresse le dit, Maîtresse a sans doute raison."

Il semble un peu déstabilisé, tout de même, il s'attendait sans doute plus à des récriminations et une sentence de mort.

"Tu ne mourras pas. On ne tue pas un esclave loyal et honnête. Je mettrai la main sur l'information que tu refuses de donner, par loyauté envers tes anciens maîtres et envers un serment prêté, d'une autre façon. Après tout, c'est à cela que servent mes denarii. Pensons plutôt à utiliser tes talents de façon utile. Mes balourds de gardes du corps auraient bien besoin d'une remise à niveau en matière d'arts martiaux. Ils ne pratiquent pas assez, et finissent par s'empâter, surtout que Taïs les nourrit comme des boeufs à engraisser. Tu vas te charger de les entraîner. C'est dans tes cordes, non?"

"Euh...Oui, bien sûr Domina, c'est sûr, ça je sais faire."

"Alors, au travail. Vous irez dans la cour, derrière les communs, les autres te montreront où trouver les armes d'entraînement."

La domina se relève et congédie son esclave d'un geste de la main, avant de gagner la petite pièce attenante à sa chambre qui lui sert à la fois de boudoir et de salon. Taïs lui servira un petit-déjeuner frugal, avant qu'elle ne se mette aux comptes de la maison, et ne reçoive les esclaves les plus âgés, pour leur donner les ordres à transmettre au reste de la maisonnée. Elle doit également recevoir un maquignon, pour acheter des chevaux pour son attelage, ainsi que son contremaître, qui s'occupe des fermes de son domaine en Illyrie, l'armateur de la flotte de navires dans laquelle elle compte investir... Elle se frotte l'arête du nez, déjà fatiguée d'avance...

 

Lorsqu'elle arrive à prendre un peu de repos, c'est après le Prandium, qu'elle a voulu frugal, à cause de la fatigue et de la chaleur. Du pain, du fromage de brebis et des figues séchées au vin, du miel, le tout arrosé d'un fin filet d'huile d'olive et accompagné de salade verte. Elle mange dans l'Atrium, à l'ombre, et au frais près du bassin décoratif. Des cliquetis étouffés lui parviennent, du fond de la maison, la cour des communs... Elle termine de manger et se dirige vers l'origine du vacarme, qui devient intense quand elle passe le porche des quartiers des serviteurs.

Leonides se bat avec Mellus, son garde le plus âgé. Mellus est équipé d'un bouclier rond, comme les barbares, et d'une épée en bois, Leonides d'une simple glaive court, et son bras droit est caché dans son dos, son poing serré. Il se bat de la main gauche, et d'elle seule, et pourtant c'est son bras le plus faible... Elle s'arrête pour observer l'issue du combat. Mellus semble avoir du mal à soulever son épée, alors que Leonides danse autour de lui, visiblement très en forme. Une passe du poignet et il touche Mellus à la cuisse, une autre attaque et c'est au flanc et dans la foulée, il assène un coup sec sur le poignet du garde, qui doit lâcher son arme de douleur.

"Tu es lent Mellus. Trop de bon vin, trop de bonne chère, pas assez d'exercice, sauf avec les filles!"
Leonides ne rit pas, il ne se moque pas, il constate, froidement. Mellus est bien obligé d'acquiescer, assis par terre dans la poussière, suant et haletant.

"Tu as raison, Gladiateur... Je me fais vieux, certes, mais c'est pas une excuse... T'es à peine plus jeune que moi, d'une année ou deux, au plus... Je me laisse aller, la Maîtresse est trop bonne avec nous, que veux-tu!"

La Maîtresse en question se sent soudain le droit d'intervenir, et son ton est assez sec...

"On dirait Mellus... Je pense que la Maîtresse sera un tantinet plus exigeante dorénavant, afin que tu restes en forme pour assurer sa sécurité."

"Maîtresse! Pardon, je ne voulais pas te manquer de respect!"

"Il n'y a pas d'offense Mellus. Tu as reconnu tes torts, et je reconnais les miens. Leonides, c'est une bonne chose que tu sois dans cette Domus, à présent, tu pourras rectifier le tir."

"Oui Maîtresse."

Allia, la plus jeune des servantes de cuisine, petite chose gironde, au teint frais des germaines, et aux cheveux de lin clair, s'approche des deux hommes avec une jarre d'eau, à laquelle elle remplit un gobelet d'étain. Elle tend l'eau fraîche à Leonides, avec une oeillade appuyée. Il s'en saisit, boit à longues goulées, et observe la fille avec un sourire intéressé, alors qu'elle tend le gobelet à Mellus, puis s'en va vers la cuisine, roulant son postérieur confortable sous sa tunique courte. Son regard n'échappe pas à Emilia, qui serre les dents, se demandant pourquoi cette réaction pourtant si masculine la contrarie tant. Elle fait volte-face et rentre dans ses appartements, agacée et renfrognée.

Elle réclame à Taïs un bain, et un massage... Taïs comprend que sa Maîtresse est contrariée, et comme à son habitude, tente de la dérider en lui racontant les ragots des cuisines, les derniers potins des écuries, ou les petites bêtises des uns et des autres.

"Le palefrenier s'est encore pris une veste : cette fois c'est la cuisinière, Archemisia, qui l'a envoyé paître. Bientôt, pour tremper son biscuit il n'aura plus que les juments! Mais il lui faudra un tabouret pour être à la bonne hauteur. Bonnifacia, la couturière, s'est foulé la cheville ce midi, rien de grave, mais qu'est-ce qu'on a ri! Figure-toi Maîtresse, qu'Allia, cette gourde, a renversé une jarre d'huile en plein milieu du couloir, et quavant même qu'elle ait eu le temps d'y mêler de la sciure de bois, la grosse Bonnifacia marchait déjà dessus. Elle a dérapé et s'est retrouvée les quatre fers en l'air, tournée sur le dos comme une tortue, à souffler et à jurer ses grands Dieux, insultant toute la maisonnée. Alors que Vitus, le commis de cuisine, a tenté de la relever, il a basculé sur elle, évidemment, maigre comme il est, il n'avait aucune chance contre cette baleine! Donc, il se retrouve vautré sur elle, à moitié étouffé dans ce qui lui sert de poitrine! Et nous, on en pouvait plus de rire, avec ça... Je te jure, le petit Vitus disparaissait littéralement dans les plis de Bonnifacia! "

Emilia n'écoute plus que d'une oreille distraite... Elle se relève, attrapant sa robe d'intérieur...

"Une jarre d'huile toute entière?"

"Oui Maîtresse, comme je te dis, une jarre d'huile, pas la bonne huile de Sicile hein? Mais celle pour les fritures."

"Tout de même... Convoque cette... Allia dans la cour, veux-tu? Et rassemble les esclaves."

Taïs se mord la lèvre. Quand la Maîtresse rassemble les esclaves dans la cour, c'est toujours pour faire un exemple... Elle hésite, s'apprête à plaider la cause de la petite germaine, mais le regard froid d'Emilia l'arrête tout net. Ca ne sera pas la peine de supplier... Emilia veut du sang.

Le temps d'attacher ses cheveux, de les cacher sous un voile de nuit, Emilia se rend dans la cour, où commencent à s'assembler les esclaves, la tête basse et le regard apeuré. Ils savent qu'il ne fait jamais bon s'attirer les foudres de la Maîtresse... Allia n'est pas là, on entend Taïs la héler dans les quartiers des esclaves... Emilia s'impatiente, et fait signe au commis de cuisine :

"Apporte moi le martinet des chiens. Si cette garce me fait attendre, elle y aura droit!"

Le garçon est déjà de retour, quand enfin, Allia paraît, sa tunique froissée, les cheveux défaits, la mine rouge, le souffle court. elle est suivie de près par un Leonides en pagne, la lumière du soir fait brilelr sa peau couverte d'une fine couche de sueur... Ce qu'ils faisaient est une évidence, d'ailleurs, quelques gloussements entendus s'échappent de ci de là de l'assistance. Allia s'arrête à bonne distance de sa Maîtresse, mais Taïs la pousse en avant, exaspérée d'avoir dû la chercher partout.

"Ton nom est bien Allia, femme?"

"Ou...oui Maîtresse."

"Tu es fille aux cuisines."

"Oui Maîtresse."

"C'est donc bien toi qui as renversé une jarre d'huile pleine ce matin?"

Allia blêmit, et secoue la tête :

"J'ai pas fait exprès, Maîtresse, je le jure!"

"Cesse de pleurnicher, et de me rebattre les oreilles de tes excuses idiotes. Tu renverses une jarre d'huile pleine, tu échappes par miracle à une punition, et tu réussis à me faire attendre pendant la moitié d'une rainure de clepsydre quand je te convoque et tout ça le même jour?"

Allia tombe à genoux devant la Domina, lâchant le haut de sa tunique qui glisse et dévoile deux seins ronds et blancs. elle ouvre la bouche pour supplier, quand Emilia reprend :

"Comment oses-tu, femelle lubrique, te présenter devant moi souillée, et débraillée? Où crois-tu que tu te trouves? Dans un bordel de Subure?"

La fille pleure, ses supplications coulent de ses lèvres comme une cascade, inaudibles, et désespérées.

Emilia saisit le martinet que Vitus lui tend, s'approche du tas sanglotant à terre et cingle la fille de quelques coups, qu'elle tente d'esquiver en hurlant.

"Leonides, tiens-là. Tu sembles aimer-ça, profites-en!"

L'Egyptien hésite. Il s'approche, mais ne saisit pas la fille pour la tenir. au contraire il se place entre elle et Emilia, l'air indécis.

Emilia exulte...

"Tu comptes m'empêcher de punir mon esclave, Gladiateur?"

"Euh... Non, Maîtresse, non, mais... elle n'a pas fait grand mal, et..."

"Elle est sale, dévergondée, et elle casse mes affaires!"

"Ca oui, elle a cassé la jarre, mais pour ce qui est de la dévergonder, c'est...c'est plutôt moi le fautif, Maîtresse..."

Emilia mord sa lèvre pour cacher un sourire victorieux. Elle inspire à fond, et recule d'un pas, abaissant le martinet.

"Tu n'as pas tort... Esclave." elle appuie sur ce mot, pour bien lui rappeler sa condition. "En ce cas, tu recevras le châtiment à sa place."

L'homme hoche la tête.

"Oui Maîtresse."

Comme si quelques coups de martinet allaient lui faire peur... L'assurance se lit sur le visage du gaillard, il se tient bien droit, dans l'attente des coups. Mais les autres esclaves, les hommes, grimacent... Ils savent, eux, ce qui l'attend. La Maîtresse a une façon bien à elle de manier le fouet.

 

"Les mains sur la tête, esclave."

Il cille, un peu surpris. Mais bon, si elle a envie de lui frotter les flancs avec son joujou, pourquoi pas? Il se campe bien droit, les jambes un peu écartées, on n'est pas dans la Légion hein? Il lève les bras et les replie sur la nuque, inspirant tranquillement et régulièrement, prêt à encaisser les coups dans les côtes, et sur le dos.
Elle, elle vise plus bas, directement entre les jambes, et le geste du bras et du poignet, sec, prouve qu'elle maîtrise cette technique à la perfection. Elle frappe pour faire mal. Et il a mal : il se plie en deux, respiration ou pas, et il semble sincèrement surpris d'un geste aussi vicieux de la part d'une femme du monde comme elle... Il grogne, mais il faut reconnaître qu'il ne gémit même pas.

Elle le nargue un peu, quand même :

"Alors, déjà las de tes élans secourables, esclave? tu veux qu'elle reprenne ta place?"

Il secoue la tête, sans un mot, et reprend la position, avec un air presque bravache. Elle n'en attendait pas moins, et prend tout son temps avant de placer le second coup, au moins aussi vicieux que le premier. Il est prêt cette fois et encaisse un peu mieux, mais elle ne le laisse pas reprendre son souffle, les coups se mettent à pleuvoir comme des scories sur Pompéi! Au bout du huitoème ou du neuvième il s'effondre à genoux, les mains sur son pagne, la tête basse.

Elle se détourne de lui, et montre la fille qui s'est cachée derrière les jambes de Taïs :

"Attachez la dans la cour là où est sa place, à la chaîne avec les chiens. Et Taïs, tu la priveras de nourriture pour les deux jours à venir."

Emilia se retourne, pour retourner à ses appartements, mais au passage, elle fait signe à ses gardes du corps :

"Mellus, Catano, Embarquez moi l'autre égyptien là... J'en ai pas fini avec lui!"

De fait, Emilia ne rentre pas directement dans ses quartiers, mais dans une pièce attenante au bureau de son mari, où elle-même travaille parfois, à tenir les comptes ou à écrire des courriers. Les deux gardes et l'esclave, encore un peu blême, il faut dire, la suivent.
Elle fouille dans un coffre posé au sol dans le petit réduit sans lumière, et en sort un long fouet de cuir, visiblement ancien et qui a servi... Elle le pose négligemment à côté du coffre, et se repenche pour continuer ses recherches. Enfin, elle tire un petit sachet de tissu râpé du conteneur, et l'ouvre. Dedans, une sorte d'étui en cuir...

"Tenez-lui les bras. Et toi, écarte les jambes, que j'ai accès à tes bijoux de famille... Si tu crois que je vais te laisser mettre en cloque la moitié de mes esclaves, tu t'es fourré le doigt dans l'oeil. J'ai pas que ça à faire de surveiller un élevage. Je te ferais bien couper les couilles, mais ça te rendrais flasque et gras... Je préfère prendre des mesures moins définitives."

Sur ces entrefaites arrive Taïs, un peu essoufflée.

"La fille est attachée dans la cour avec les chiens Maitresse, comme tu l'as ordonné."

"Bien. Tu tombes bien..."

Emilia tend à Taïs l'objet qu'elle vient de sortir du sachet de tissu. Taïs l'observe, et ne peut empêcher un rictus ironique :

"Ca, ça va le calmer, Maîtresse..."

La gouvernante entoure le sexe encore douloureux de l'étui et le serre, à l'aide d'un lacet de cuir qui court sur toute la longueur de l'objet. Enfin, des lanières viennent soutenir l'étui, pour qu'il ne glisse pas, à la base de la hampe et autour des bourses, à leur racine. Enfin, la Domina ajuste sans aucune délicatesse et sans aucune considération pour les grimaces de l'esclave, deux lanières supplémentaires, qui compriment le gland de son sexe circoncis, comme le sont souvent ceux des égyptiens.

"Voilà, avec ça tu auras du mal à sauter sur la première esclave qui passe sous ton nez en roulant du popotin."

Un crochet de métal vient finir l'ouvrage, glissé dans un anneau sous le sexe, et dans la lanière qui entoure les bourses, il attache littéralement le pénis vers le bas, et la sensation semble être tout sauf agréable pour l'homme, qui grimace, mais ne dit rien. En fait, il a déjà vu ce dispositif plus d'une fois... Tellius s'en servait pour punir les gladiateurs inefficaces, et leur attirer les quolibets des spectateurs.

Emilia se détourne, et sort, non sans lancer :

"Ramenez-le au quartier des esclaves. Et fermez la porte de sa cellule à clef."

Elle s'en va, et alors qu'elle arrive devant la fontaine de l'atrium, elle se lave les mains et se passe de l'eau sur le visage, la mine dégoûtée.









Par Kireseth - Publié dans : Domina
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